HISTOIRE DE BUKAVU

par Ferdinand MAPENDANO,
Membre du Bureau d’Etudes de la Mairie de Bukavu
Texte intégral.

Mairies - Historique de la Ville de Bukavu

Dès sa naissance, Bukavu n’est pas restée statique mais plutôt dynamique.
La ville grandissait étape par étape. Sa croissance était liée à deux faits.
D’une part, elle s’est épanouie grâce à son développement économique en relation avec la création de nombreux emplois ayant fait appel à une main – d’œuvre importante, et d’autre part grâce à l’augmentation de sa population.
Nous vous donnons brièvement les étapes de la croissance de notre aimable ville de Bukavu.

1. Création du poste de Nyalukemba (1900 – 1916)
La fin du XIXème siècle et le début du XXème, étaient caractérisés en Europe par des antagonismes politico – militaires qui ont abouti à la paix – armée sur le vieux continent. C’est dans le but de surveiller le Rwanda, colonie allemande à l’époque, que la Belgique a trouvé la nécessité d’installer des postes militaires à proximité du Rwanda au bord du lac Kivu déjà découvert par le comte Gustav Adolf Von Goetzen en 1894.

Par l’arrêté du 19 février 1900, le Gouverneur Général institue un conseil de guerre au poste principal du lac Kivu. Ce poste était placé à Nyalukemba. Les premiers militaires belges se sont installés donc à Nyalukemba en 1900. La même année, ils ont occupé Ndendere (emplacement actuel de l’Athénée d’Ibanda).

Remarquons que le mot « Ntendere » évoquait l’allure de la position des cornes de vaches en langue « shi ». L’origine de cette appellation était liée à un fond mythique : en effet toutes les presqu’îles de la ville actuelle étaient considérées par les anciens Bashi comme des endroits sacrés, demeure des esprits, réservés uniquement aux pâturages des vaches que leur Dieu Suprême « Nyamuzinda » faisait sortir du lac.


Ces presqu’îles étaient par conséquent inhabitées.

Les maisons des habitants étaient très éloignées de ces endroits, car il était interdit d’y habiter sous peine de mécontenter les esprits et « Nyamuzinda ». Il est à souligner, cependant, que l’endroit le plus sacré et le plus important était l’espace marécageux du contrebas de l’Hôpital Général actuel où les vaches sortaient en masse du lac appelé pour cela Bunkafu, c’est-à-dire la région des vaches.

C’est là l’origine du mot Bukavu qui fut plus tard l’appellation de la future ville. Les premiers militaires qui sont venus s’installer à Nyamoma et à Ndendere étaient au service de l’EIC (Etat Indépendant du Congo) du Roi des Belges Léopold II car l’annexion du Congo à la Belgique n’a eu lieu qu’en 1908, date du début de la colonie belge. Le premier connu était le Lieutenant Tondeur qui fut tué une année après son installation au cours d’un combat contre les indigènes du Mwami Kabare.

En 1901, les fortifications de Nyamoma et de Ndendere furent abandonnées et déplacées à Muhumba actuel où se trouve aujourd’hui l’arbre appelé ficus ou « Mutudu » en Mashi, près de l’habitation actuelle de Monsieur BISHOGO LULANDO.

En 1908, la station comptait environ six officiers ; l’année suivante, en 1909, le poste hébergeait neuf européens dont un éleveur, un vétérinaire, les autres étant des militaires.

Les noirs au service de la station était par contre plus nombreux : quinze gardiens de vaches, deux jardiniers, quarante-cinq travailleurs, sept domestiques, dix-neuf pagayeurs assurant le service de courrier et d’autres services nécessitant la communication par la voie lacustre, et enfin deux gardiens du gîte d’étape.

En 1913, le Baron Charles de l’Epine arrive à Nyalukemba.

Il y construisit deux maisons et un gîte pour les passagers. Les indigènes n’habitaient pas les bords du lac ; les bananeraies et les huttes commençaient à une certaine distance des eaux. L’installation de Monsieur le Baron Charles de l’Epine est le résultat de la publicité faite par un membre de la Commission de délimitation de la frontière Ruzizi – Kivu à la tribune de la société belge des ingénieurs et industries à Bruxelles le 10 janvier 1912 sur la région du lac Kivu qualifié de climat favorable au séjour des européens.

D’après cette commission, la région serait vraiment idéale pour la civilisation, si la nature même n’y créait pas de grandes difficultés pour les communications. Jouissant d’un climat tropical, présentant de hautes altitudes, son sol fertile pourrait produire tous les légumes d’Europe.

Il était d’ailleurs connu de tous ceux qui ont séjourné au Kivu, qu’on peut très bien y développer tous les vivres que l’on rencontre en Europe. Les curieux venaient au Kivu constater eux-mêmes ces merveilles et tenter d’y passer un séjour touristique. Les militaires qui ont visité la région pendant la guerre, afin d’y débuter des tentatives du colonat, ont contribué à faire de la publicité pour la région en Europe.

En 1915, la Force Publique (FP) abandonna Muhumba pour installer son camp à Cimpwiji vers Mumosho. Ce nouveau déplacement a été ordonné par le Colonel ERMENS et avait pour but de se mettre à l’abri de l’agression allemande en dominant la position de l’ennemi parce qu’on était en pleine période de la première guerre mondiale qui a éclaté en Europe en 1914 et s’est étendue aux colonies.

Lorsque les allemands furent refoulés vers l’Est en 1916, le Capitaine TERLY construit une petite maison non plus à Muhumba mais à l’emplacement actuel de l’Hôpital Général de Référence de Bukavu.

Le premier poste administratif de Bukavu allait naître à partir de cette base militaire.

Si la période précédente a été caractérisée essentiellement par une intense activité militaire, la seconde a essayé de mettre en relief les efforts des pionniers pour la construction de Bukavu. On parle des efforts parce qu’il a fallu des hommes énergiques pour mener la lutte sur un double front.

Tout d’abord, il s’est avéré indispensable de faire accepter en Europe que Bukavu valait la peine d’être habité et exploité non plus par les seules unités militaires mais également par des organisations politiques et économiques à une échelle plus large pour le compte de l’autorité colonisatrice et des intérêts particuliers des exploitants.

En second lieu, il était nécessaire pour ce faire de démontrer que Bukavu était capable de rentabilité économique et d’efficacité administrative.

Les premières constructions à Bukavu furent réalisées par des militaires.

Ce fut des constructions rudimentaires, de maisonnettes préfabriquées pour abriter les officiers et les soldats. On construisit ensuite un gîte pour les passagers (visiteurs administratifs).

Il s’agissait à l’époque (1900 – 1916) d’un petit campement provisoire que d’un poste bien installé et définitif. Cette première étape, était une étape de tâtonnement, d’hésitation, en un mot d’expérience. Il a fallu attendre 1924 pour que soient envisagés des plans de construction et d’extension de Bukavu.

2. Extension de la ville de Bukavu (1922 – 1927)

Après l’année de la première poignée des colons à partir de 1922, Bukavu commence à révéler ses merveilles aux premiers européens et paraît un centre administratif idéal pour le Kivu par sa position presque à mi – chemin départ et d’autre des extrémités Nord – Sud de la région. Encouragé par la réclame des colons pour le Kivu, DIERCKX et quelques amis décident de venir s’établir à Bukavu.

Ce sont tous des anciens combattants de 1914 – 1918.

Monsieur Xavier DIERCKX arrive à Bukavu en 1922 avec son compagnon d’armes François VAN BAELEN et son collaborateur COSYNS. Ils s’installent à Nyalukemba. Au courant de la même année, GLIEMANN s’installe à Panzi comme colon où il plante le café. Xavier DIERCKX obtient une grande concession couvrant tout Muhumba actuel et Nguba où il développe progressivement une plantation de café.

Il construit sa première maison en pierres (la toute première maison en pierres à Bukavu) à quelques cinquante mètres derrière le futur emplacement de son château. Le château en question était en construction en 1930. Le majestueux château fut vendu à Monsieur VAMARO après l’Indépendance.

Quant à sa propriété, Monsieur DIERCKX y engage beaucoup d’ouvriers noirs. Il crée leur camp à côté d’un grand arbre ficus (Mutudu en Mashi). Ce camp fut déplacé à plusieurs reprises vers le Collège Alfajiri actuel et la dernière étape s’est stabilisée en face du cimetière de la Ruzizi. La première raison de ce déplacement était l’état malpropre de l’habitat noir qu’il fallait reculer au fur et à mesure que les européens devenaient de plus en plus nombreux dans ces parages. La seconde serait le souci d’exclure les noirs des quartiers européens. Il s’agissait de la première manifestation palpable de la discrimination raciale.

Bukavu était un Territoire crée en 1914 et dépendant du District de Rutshuru de la Province Orientale. Le camp de Bukavu avait été crée par le Capitaine TIERLY en 1916. Ce dernier fut remplacé par Monsieur SEAUX, premier administratif civil du Territoire de Bukavu et à son tour, il fut remplacé par Monsieur MIGNOLAT qui, plus tard en 1922, le fut aussi par Monsieur VYTTENHOUEN.

La famille de Monsieur VYTTENHOUEN s’installa à l’endroit où se trouvait la famille de son prédécesseur. A côté de la maison de l’Administrateur se trouvait un gîte en roseaux. L’habitation des européens était encore rudimentaire et disparate.

L’année 1923 marque une étape importante dans l’histoire de Bukavu. En effet, le Commissaire de la Province Orientale est en visite officielle à Bukavu au moment où les réclamations par les européens y vivant, sur le déplacement du Chef – lieu du District de Rutshuru à Bukavu date de trois ans. La population européenne s’était plainte de l’abandon dont elle avait été l’objet.

Ce fut au cours d’un banquet qui lui avait été offert dans une paillote que les pourparlers s’engagèrent autour du transfert du Chef – lieu du District de Rutshuru à Bukavu. Les raisons de ce déplacement étaient administratives, climatiques, touristiques et géographiques car Rutshuru était trop septentrional par conséquent mal placé pour assurer la liaison Nord – Sud.

A cette époque la route Uvira – Bukavu était en construction et ce sont les bœufs du colon GLIEMANN qui traînaient les chariots lourds sur celle-ci.

En 1924, Bukavu est confirmé Chef – lieu du District du Kivu au lieu de Rutshuru. La construction des bureaux administratifs, les maisons du personnel et la résidence du Commissaire de District, Monsieur René Van der GHINSTE devaient se trouver à la Botte selon le plan de MOELLER. Les travaux ont débuté le 30 septembre 1926 à Nyamoma (La Botte actuelle).

La deuxième maison en matériaux durables fut celle de Monsieur le Commissaire de District. Elle était en briques cuites. Cette maison est encore visible aujourd’hui sur le flanc gauche de la pointe de La Botte qui domine le lac. Sa construction a laissé un souvenir douloureux aux ouvriers qui l’ont construite et qui l’ont baptisé « Bakanabaluge », ce qui signifie « nombreuses seront des veuves ».

Cela veut dire que beaucoup d’ouvriers mourront en laissant des veuves à cause de la grande fatigue des travaux lourds et durs qui leur sont imposés.
 

En 1925, arrive à Bukavu un second colon important, Monsieur le Prince Eugène de LIGNE accompagné de son épouse. Ils venaient de Bujumbura. Ils ont fait huit jours de marche à pied avec de nombreux porteurs pour atteindre Bukavu. Leurs capitaux (leur fortune plus l’aide de leurs amis) ont contribué à la création des entreprises à Bukavu. Le Prince Eugène de LIGNE a obtenu de la colonie une concession à Idjwi à la seule condition qu’il la mettrait en valeur. En contrepartie, il devait doter la région des hôpitaux et des dispensaires.

La même année (1925), Bukavu est érigée en circonscription urbaine. L’installation du District a attiré beaucoup de colons et une nombreuse main d’œuvre noire. Lorsque le Major HOUBA arrive à Bukavu en 1925, il relate qu’il y avait des paillotes éparpillées depuis Nyalukemba jusqu’à La Botte, c’est-à-dire de Nguba à La Botte. Les bureaux officiels étaient en paillotes. Une barge, selon le Major HOUBA, assurait la liaison Nord – Sud sur le lac Kivu. Il s’agissait d’un petit bateau baptisé KIBATI.

En 1927, le Ministre des colonies Monsieur JASPAR par ordonnance du 01 octobre 1927 remplace le nom Bukavu par CONSTERMANSVILLE en souvenir de l’Inspecteur d’Etat CONSTERMANS. Cette même année apparaît à Bukavu pour la première fois une auto conduite par le Commissaire de District Monsieur Van der GHINSTE. C’est également à cette époque que Monsieur BORMANS va s’installer à Bagira comme colon.

3. Extension de Costermansville (1927 – 1940)

La période de 1928 – 1940 est celle de l’afflux des capitaux utilisés par divers organismes de construction et des entrepreneurs de l’Etat ou privés. La population blanche devient de plus en plus nombreuse tant dans l’administration que dans les entreprises privées.

A partir de 1928, l’on assiste à un remplacement progressif des paillotes par des maisons en briques. Les constructions s’accompagnent de boisement selon l’aphorisme où l’on bâtit. En ce moment NYOFU et le plateau d’Ibanda sont encore vides.

Le Prince de LIGNE rentre en Europe après son séjour au Kivu, chante ses merveilles au Ministre des colonies JASPAR. Son intervention aurait hâté la décision du Ministre de créer le Comité National du Kivu (C.N.Ki) et la Société Immobilière au Kivu (SIMAK). Le but de C.N.Ki était de réaliser la mise en valeur du Kivu et celui de SIMAK était de promouvoir la construction de la circonscription urbaine de Costermansville.

Dans le premier temps, le C.N.Ki a importé des maisons préfabriquées, démontables et entièrement en armatures en fer dans lesquelles on glissait des tôles plates. Ce type de maisons importées de Belgique portaient le nom générique de SLUYSMANS.

En 1929, les Pères de Kabare construisent un presbytère en tôles ondulées à l’emplacement actuel de la Cathédrale Notre – Dame de la Paix. Auparavant une Chapelle – Ecole existaient à l’emplacement actuel de l’EDAP qui avait été créée en 1927 par les Révérends Pères de Nyangezi. Egalement, en 1929 s’ouvre à Costermansville l’Hôpital des noirs dont le début de construction se situe en 1927.

Les trois quart des maisons à l’époque étaient destinés aux fonctionnaires de l’Etat qui devenaient de plus en plus nombreux depuis l’érection de Costermansville comme Chef – lieu de District. La plus grande concentration des maisons se localise à Nyamoma jusqu’en 1940.

L’actuel Hôtel Métropole a remplacé l’ancien Hôtel de commerce ouvert en 1929. La poste a été construite en tôles là où se trouve aujourd’hui la maison communale d’Ibanda. Le service des transports administratifs S.T.A. s’est installé en 1930 à Ntendere tout comme le port. La route des planteurs Costermansville – Goma arrivait à Kalehe en 1929.

Des pistes en terre battue reliaient les presqu’îles Labotte, Ntendere et Muhumba. Celle du Colon BORMANS reliait Bagira à ces presqu’îles. Les pistes de Kadutu n’existaient pas encore.

En 1930, la SIMAK commence le captage de l’eau à partir des rivières FUNU et KADUTU.

En 1932 commencent les travaux de construction du Tribunal (c’est la naissance du complexe du Parquet actuel de Bukavu) et le Tribunal s’ouvre à Costermansville en décembre de cette même année. C’est aussi la même année que Monseigneur LEYS du Vicariat Apostolique de Stanley Falls négocie à Costermansville l’établissement d’un Pensionnat pour enfants européens. L’emplacement choisi fut à Bugabo.

Comme le District du Kivu (ancien District de Rutshuru) faisait partie de la Province Orientale, les grandes décisions atteignaient tardivement le Kivu à cause de la longue distance. Suite à cela, la Province du Kivu a été créée en 1933. Cette création va augmenter l’effectif du personnel administratif tant européen qu’africain et le nombre croissant d’enfants européens. Toute nouvelle demande exigera des constructions des entreprises publiques et privées.

En 1933, a débuté la construction de la mission Sainte – Thérèse, première mission à s’installer à Costermansville. En 1934, on y ouvre une petite école primaire pour enfants noirs. C’est à Sainte – Thérèse que résidera Monseigneur LEYS, premier Evêque du Kivu. Celui-ci y ouvrira en 1938, un embryon de collège pour enfants européens sous la direction du Père MONNENS.
 

La clinique médicale actuelle a été ouverte en 1936 et était uniquement réservée aux seuls européens. Le Pensionnat et la clinique étaient construits par tranche.
 

Jusqu’ici tous les efforts déployés pour la construction de Costermansville ne s’étaient pas encore tournés vers la cité indigène qui était encore un village traditionnel qui devait recevoir les ouvriers et les employés de l’Etat indigène. Ce village devait se tourner le plus loin possible de la circonscription urbaine peuplée par les européens.
 

C’est cela qui explique la concentration de la population autochtone à NYAMUGO. Kadutu appelé « KADURHU » en langue shi était parsemé de bananeraie avec une grande densité de la population à NYAMUGO II notamment dans la bande s’étendant entre le marché actuel et la pente du stade de la Concorde (ex stade Président Mobutu).

4. Croissance de Bukavu de 1940 à 1959

Cette période est celle de grandes constructions de la ville de Bukavu.

Après le passage du Prince Régent, l’Office du Centre Extra – coutumier (OCEC) a été crée en 1940. vu les préoccupations devenues très lourdes pour la SIMAK dans les plans d’urbanisation, cet organisme nouveau devait s’occuper uniquement des C.E.C. tandis que la SIMAK devait s’occuper entièrement des zones européennes.

Le nouvel organisme s’appela par la suite Office des cités africaines (O.C.A).
Il procéda pour le compte de la colonie au mesurage et au bornage des parcelles des centres extra – coutumiers ainsi qu’à leur construction. Comme le niveau de vie des indigènes était trop bas, ce fut grâce à des fonds prêtés que les noirs furent à mesure de s’acheter une maison modeste en matériaux durables. Il y avait deux types de fonds : - Les fonds d’avance : il était octroyé par le Gouvernement colonial pour aider l’indigène à obtenir une habitation personnelle en matériaux durables et solides. Cette aide était un prêt remboursable par quinze versements annuels grevés d’un intérêt allant jusqu’à 4 %. Les maisons les plus chères coûtaient 200.000 FC.-

Les fonds du Roi : les fonds du Roi étaient destinés aux indigènes peu fortunés. L’octroi de ces fonds à Bukavu a été décidé par le Roi Baudouin après son passage en 1955 pour améliorer la condition de l’habitat noir. Le don variait entre 10.000 et 20.000 Frs. Le bénéficiaire recevait directement son argent et pouvait à volonté faire une commande à l’OCA qui lui construisait une modeste maison.

Ces trois types de prix (200.000 Frs, 20.000 Frs et 10.000 Frs) correspondent à trois catégories de maisons en matériaux durables de l’époque coloniale qu’on rencontre à Kadutu et à Bagira : les maisons basses et moyennement grandes, appelées de Fonds d’Avances, les maisons en étage et les petites maisons.
 

Avec l’OCA, la SIMAK, les Fonds d’Avance et du Roi, on a assisté à une accélération importante de l’habitat pour indigènes à Bukavu dans la période d’après guerre jusqu’en 1959. Le tout s’est inscrit dans le contexte du bien-être indigène dans le cadre de récompense pour l’effort de guerre et de faire oublier l’idée de réclamation de l’indépendance aux congolais.
 

Avant les fonds précités, les premières maisons indigènes en matériaux durables étaient construites par C.N.Ki et SIMAK au camp Mortéhan I, II, III et quartier asiatique.
 

C’est pendant la période de 1940 – 1959 que furent érigés des édifices publics tels que le Collège Notre Dame de la Victoire (Actuel Collège Alfajiri) et l’Athénée Royale d’Ibanda pour enfants européens, l’Athénée de Bagira et le Collège Saint Paul (actuellement Kitumaini) pour les enfants noirs et métis, la Mairie de Bukavu et le Gouvernorat de Province.

Comme l’appellation Costermansville n’était employée ni par les européens, ni par les congolais, la ville reprit son ancien nom de Bukavu le 1 janvier 1953.

Avec la création des centres extra – coutumiers, Kadutu, la première cité noire à Bukavu a été détachée officiellement de la circonscription coutumière pour faire administrativement et juridiquement partie de la ville de Bukavu. Sa construction était intensive à partir de 1953 et a entraîné le déplacement de plusieurs familles autochtones lesquelles étaient indemnisées par l’Etat.

En 1954, l’espace de Kadutu est saturé. Le besoin urgent de le dégorger va conduire à la création du centre extra – coutumier de Bagira la même année. Celui-ci, contrairement à celui de Kadutu a été crée avec des problèmes. Bien qu’inhabité (la colline était couverte par la plantation de café de Monsieur BORMANS), les gens ne voulaient pas aller à Bagira parce que ce nouveau centre était éloigné du centre ville où se trouvaient divers services et magasins. Le Gouvernement a dû recourir à divers moyens pour forcer la population noire à habiter Bagira :
 

1. Tout immigrant muté ou cherchant du travail devait accepter de s’installer à Bagira : on lui donnait alors une attestation de résidence.

2. Les demandeurs des maisons selon la formule OCA/F.A. (Office de cité africaine et Fond d’Avance) étaient exemptés de la garantie de 3 %.3. Le Gouvernement a demandé de construire une Eglise à Bagira croyant que ce serait un moyen excellent d’y attirer les gens.

4. Accorder gratuitement des parcelles aux travailleurs à faible revenu.
 

Ces mesures ont permis la construction des maisons de la formule OCA et F.A. à Bagira qui a été divisé en quatre quartiers : A, B, C et D jusqu’à l’accession du pays à l’Indépendance.

5. Bukavu à la période post – coloniale (après le 30 juin 1960)

La croissance spatiale à Bukavu après l’Indépendance du pays est caractérisée non par son extension au-delà de ses limites telles que définies en 1958, mais plutôt par le développement à l’intérieur du périmètre urbain. Les populations se sont agglomérées à proximité immédiate des noyaux urbains européens et des anciens centres extra – coutumiers. Ainsi sont nés des multiples quartiers spontanés installés souvent dans leur grande partie sur un site inadéquat à l’habitat.

Ces constructions anarchiques sont le résultat du relâchement en matière de l’application des lois sur l’urbanisme au cours de la période post – coloniale. Il y a eu un laisser – faire car certains habitants ont profité des facilités extraordinaires offertes par l’administration post – coloniale pour l’acquisition des parcelles.
 

Bien souvent, les permis de bâtir ont été accordés avec souplesse surtout à partir de 1970. Cette période est caractérisée par l’augmentation des maisons semi-durables en ville ne répondant pas aux normes de l’urbanisme et dont la construction a été faite sans le concours préalable du Bureau d’Etudes. De ce fait, les quartiers spontanés sont mal intégrés dans le plan de l’urbanisme de la ville. La solution serait non pas de les détruire mais de penser à un nouveau lotissement entre Bukavu et Kavumu ou entre Bukavu et Nyangezi en respectant d’une façon stricte les mesures de l’urbanisme pour redonner à Bukavu son image de « Suisse d’Afrique ».
 

Ce nouveau lotissement doit tenir compte du facteur séismique. En conclusion, la ville de Bukavu a commencé comme un poste militaire en 1900. Il s’agit du poste de Nyalukemba. Jusqu’en 1923, Bukavu fonctionne comme Territoire du Kivu dépendant du District de Rutshuru de la Province Orientale. En 1924, Bukavu devient Chef – lieu du District du Kivu au lieu de Rutshuru mais tout en continuant sa dépendance vis-à-vis de la Province Orientale. En 1933, Bukavu cessa de dépendre de la Province Orientale et devint Province du Kivu.
 

Sa croissance et son développement se sont faits au prix de beaucoup de sacrifices de la part des pionniers. Par exemple, le Lieutenant Tondeur avec huit de ses soldats furent tués à Kabare en 1902 au cours de combat contre les indigènes avec qui il a eu un mal entendu lié aux difficultés de langage dans la communication. Leurs successeurs ont souffert également d’isolement et les noirs qui ont vécu avec eux ont été soumis à de nombreux travaux forcés.
 

Le lac Kivu découvert en 1894 par l’Officier allemand le Comte Gustav Adolf Van Goetzen, a donné à Bukavu le climat frais favorable aux européens qui ont occasionné son développement rapide. La population européenne était passée successivement de 6 habitants en 1908, 9 en 1909, 300 en 1940, 991 en 1946, 1571 en 1947, 2.525 en 1950, 3.588 en 1952 et de plus de 5.000 en 1960. Quant à la population autochtone, elle était de 88 habitants en 1908, 95 en 1909, 2.233 en 1940, 28.345 en 1950, 42.338 en 1955, 70.257 en 1960, 147.647 en 1977 et de 241.426 en 1996.
 

Le centenaire de la fondation de la ville a eu lieu en l’an 2000 et celui de la Province sera en 2033.

Sources I.

Mémoires 1. BAHIZIRE, M., Relation socio – économico – culturelle entre noirs et blancs à Bukavu (1935-1960), Mémoire, Département d’Histoire, ISP/Bukavu, (inédit), 1983.
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OUVRAGES
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2. CHANDA, N – S et alii, Atlas de la ville de Bukavu, CERUKI, Bukavu, 1981.
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4. FARCY, H, Mémorandum sur la région du Kivu et le Diocèse de Bukavu, Bukavu, 1976.
5. FRANSEN, J. et alii, Bukavu : Enquête démographique, République du Zaïre, Bukavu, janvier, 1978.
6. Idem, Enquête socio – démographique de Bukavu. Bureau de l’Aménagement du Territoire, Kinshasa, 1970.
7. MASSON, P., Dix ans de malheurs au Kivu, 72, la fin des illusions, Bruxelles, 1970.
8. Idem, La bataille pour Bukavu, CELA, Bukavu, 1965.
9. MERLIER M., Le Congo : de la colonisation belge à l’indépendance, Maspéro – Paris, 1962.

Dossier préparé par Ferdinand MAPENDANO, Membre du Bureau d’Etudes