A la
fin des grandes vacances nous arrive le premier professeur Jésuite,
le P. Poelmans; en septembre 1941 s'inaugure la 4e année
du collège toujours à la mission et qui comprenait
les classes depuis la 8e jusqu'à la 4e. (1) En septembre
1941, le collège "Saint Charles", dirigé
jusqu'alors par le Père Mosmans, devenait le "Collège
S.J.". C'est que le R. P. Monnens, jésuite, prenait
le gouvernail du collège en main, comme recteur. Depuis
quelques mois déjà, Bukavu s'était familiarisé
avec sa haute stature. On le voyait dans tous les bureaux, dans
tous les magasins, sur tous les chantiers, toujours à
l'affût de matériel de construction pour son nouveau
collège. A ce moment, la première aile des chambres
d'élèves sortait à peine de terre. (2)
Le 19 septembre, le nouveau recteur attendait quelques 35 internes.
ils arrivaient... au compte gouttes, par mer (si le charmant
lac Kivu mérite ce nom), par la voie des airs. . les uns
aujourd'hui, d'autres le lendemain, quelques-uns seulement le
surlendemain... On est au Congo. (3) On s'embarque pour la nouvelle
année scolaire sans tarder, sans attendre les retardataires.
En effet, le lendemain, 20 septembre, quand le chauffeur a déversé
sa charge vivante d'externes, tout le monde est embrigadé.
à partir de nos " rhétoriciens " de 4e
latine jusqu'aux moutards de 8e préparatoire. Les "
anciens " gardent une prudente réserve... Qu'est-ce
qui va se passer ? Ils ont entendu dire : " Les Jésuites
reprennent la direction du collège ". Or ces mots
étaient prononcés sur les tons les plus différents,
avec des accents très variés, de l'attente intriguée
jusqu'à la résignation la plus totale. Les "nouveaux"
tâchent de se retrouver parmi tous ces bâtiments,
éparpillés selon un ordre un peu désordonné...
(4) Mais après quelques jours de flottement et de tâtonnement,
comme cela se voit dans tout collège qui recommence, notre
voilier vogue joliment. La consigne est donnée, dès
le début, claire et nette: " Il faut qu'on travaille
comme en Europe ". Le Père Recteur n'y va pas de
main morte et tout le corps professoral marche derrière
lui. Il faut évidemment un certain temps pour mettre en
branle une cervelle de jeune colonial, qui sait beaucoup mieux
comment dépanner une voiture que comment disséquer
César. Mais il faut bien... on est là pour stimuler
les paresseux. Le Père Recteur disparaît de la Mission
dès 9 heures pour activer le travail au chantier de Nya-Lukemba;
mais malgré cela, on sent errer partout et toujours son
regard observateur, fureteur même. On ne rigole pas avec
lui: gare à celui qui est " appelé par le
Père Recteur ". (5) Après quelques semaines,
sinon des mois, la résignation au travail fait place à
un emballement, au moins chez les vrais des vrais. Si les mathématiques
n'ont pas beaucoup de fervents, au moins les cours de mathématiques
ne manquent pas de charme.... non-mathématique. On risque
même des méthodes très avancées d'école...
"active": quand toute la bande de 7e et 8e va faire
du dessin " d'après nature ". Un spectacle merveilleux
qui prouve les origines simiesques de l'homme, car après
quelques minutes, les jeunes dessinateurs sont perchés.
pour la plupart, sur une branche d'arbre. Les documents ne disent
pas si les dessins ont été réussis. (6)
Mais alors... travaille-t-on réellement ? Eh bien, l'inspecteur
tant appréhendé, n'a pas eu trop à critiquer
lors de sa visite des classes. Ici les documents sont formels.
Et un autre critère, moins solide cependant, est que les
élèves bougonnaient bien de temps à autre.
" On a si peu de congés "... " On a tant
de travail ". Ils trimaient, c'est entendu. Mais les professeurs
encore plus, vu qu'ils devaient continuellement donner un coup
de main à gauche et à droite. Personne n'avait
le droit d'être malade. (7)
Dans ce petit
collège, encore provisoirement installé à
la Mission, régnait une véritable atmosphère
de famille, un legs que le Père Mosmans avait pu laisser
grâce à son travail patient des années précédentes.
Parfois, il fallait serrer la vis, chose normale dans un collège
grandissant mais mesure totalement incompréhensible pour
un jeune colonial qui ignore les éléments de la
discipline. D'où inévitablement des heurts de temps
à autre, mais . . 0n reste " bons amis " quand
même. (8) |