Dans ce collège
en pleine évolution, pas de rentrée sans changements
ou innovations. Les surprises cette année étaient
nombreuses. La jonction entre le bâtiment des Humanités
et l'aile des Préparatoires était chose faite;
avantage très appréciable dans une région
où il pleut abondamment. D'autre part, une aile entière
venait d'être aménagée pour les Sciences.
De la préfecture à la grande Salle s'étendaient
successivement le Musée de Sciences Naturelles, la Physique,
la Biologie, la Chimie. Cette installation nous fut accordée
par le Gouvernement en raison de l'enseignement éminent
de notre professeur de Sciences, le P. Omer Van de Vijver. Elle
était équipée d'appareils les plus modernes
et restera un sujet de fierté pour le collège.
Peu d'établissements secondaires, même en Belgique,
peuvent se prévaloir d'un équipement semblable.
Mais c'était surtout les installations ultramodernes de
la cuisine qui retenaient l'attention des internes et de leurs
mamans. " Ça alors, disaient les gars dans leur noble
langage, ce qu'on va bouffer! " Durant les vacances, le
Frère Bracaval n'avait ménagé ni travail
ni peines! Installation mazout-électricité de la
Firme Auxial. Lorsqu'on passa la commande à l'usine, les
responsables avaient prévu l'envoi éventuel d'un
technicien spécialisé pour la monter. Mais, à
leur grand étonnement, le Frère se débrouilla
tout seul. Il avait juré que tout serait prêt pour
la rentrée - ce qui fut fait -. Il alla chercher lui-même
les immenses caisses à Kindu, trima jour et nuit, et dormit
plus d'une fois sur les tables du réfectoire, converti
pour les besoins en atelier. Parmi ces installations. .. c'est
évidemment " la friteuse " qui avait la cote
d'amour. L'année commençait donc sous bon augure.
Sur les 575 élèves que comptait le collège,
il y avait 300 internes à nourrir, sans compter la communauté
des professeurs, pères et laïcs. (1 )
Au second trimestre on coula la dalle du premier basket et ce
travail achevé, bulldozers et niveleuses entrèrent
en action pour enlever le talus à l'extrémité
de la cour. L'immense bâtiment poussera un nouveau tentacule
: l'aile des Humanités, depuis la Salle de géographie
jusqu'à l'avenue du Régent. (2)
Le départ des PP. Croegaert, Peeters, Somers et van der
Straeten était regretté de tous, en raison des
services qu'ils avaient rendus dans de nombreux domaines, mais
aussi pour leur attachement " à la cause ".
Heureusement, trois d'entre eux rappliqueront à Bukavu
après leur théologie. Entretemps ils étaient
remplacés par les PP. J. P. de Wilde, W. De Craemer, Fr.
Boon et Guy Verhaegen. La section flamande était renforcée
par M. Holemans. Les Préparatoires par le Fr. Alphonse
et en fin d'année nous arrivera la famille Mortier. (3)
Les activités de 51-52 débutèrent par une
cérémonie religieuse. La Cathédrale de Bukavu
était achevée et on l'inaugura le jour du Christ-Roi.
A cette occasion, un coeur de 200 chantres exécuta la
Messe du Christ-Roi de De Vocht |
et termina
par un vibrant "Chez nous soyez Reine" en l'honneur
de Notre-Dame de la Paix, patronne de la ville. Modeste contribution
des élèves à côté des dons
généreux offerts par leurs parents pour l'érection
de ce monument, témoignage de leur foi. (4)
En présence
de tous les élèves réunis devant le perron
d'entrée, M. Georges Nef, architecte et bienfaiteur émérite
du collège, reçut des mains de S. E. Mgr Cleire,
la décoration de Commandeur de l'Ordre de St Grégoire
pour services rendus à l'Eglise et en particulier à
l'enseignement au Congo. Nos anciens se souviendront des paroles
émouvantes qu'il leur adressa. Tous connaissaient M. Nef,
qui habitait depuis longtemps au collège, et qui en avait
dessiné tous les plans. Les plus " durs " se
laissèrent émouvoir par sa conviction religieuse
et par son message marial. (5) L'année si bien commencée
allait, hélas, être endeuillée par deux décès
à quelques jours d'intervalle. En novembre, le petit Jean-Claude
Bracaval se noyait au beach du collège sous les yeux de
ses camarades et du P. Surveillant, impuissants à le sauver.
Le P. Cuypers et le Fr. Bracaval roulèrent jour et nuit
à travers la forêt du Maniema pour porter la triste
nouvelle à ses parents et leur remettre le corps de leur
enfant chéri. Trois jours plus tard, Guy Masfranckx mourait
du typhus à l'hôpital. Ce grand et solide garçon
de 3e Economique était devenu en quelques heures un cadavre
ambulant. Son cas était aussi tragique que celui du petit
Bracaval. Sa maladie avait-elle, de fait, été contractée
par une puce de chauve-souris durant l'excursion aux grottes
de Katana ? Oui le dira ? Sa maman, alertée d'urgence,
était partie de Watsa avec le premier avion. Elle arriva
juste trop tard pour le revoir vivant. Guy Masfranckx mourut
tandis que le P. Recteur et sa Maman roulaient à toute
allure de la plaine de Kamembe à l'hôpital. Les
condisciples se relayèrent toute la nuit auprès
de sa dépouille mortelle. Son enterrement fut aussi émouvant
que grandiose. Jamais, peut-être, la solidarité
qui régnait entre les élèves, ne se manifesta
avec une telle ardeur. Le cortège qui accompagna Guy au
cimetière émut toute la ville. Les grands voulurent
que son sourire rayonnant illumine la salle de récréation
et sa photo y pendit bien longtemps. L'année n'était
pas encore achevée, qu'une troisième tragédie
devait se dérouler. La petit Christian Horion fut arraché
à l'affection de ses parents par un éboulement
à la Botte, au moment où il attendait le bus pour
se rendre en classe. Vraiment, Dieu nous éprouvait durement
cette année. (6)
Mais un collège ne vit pas du souvenir des morts, si chers
soient-ils. La vie continuait, devait continuer. Le 8 décembre,
jour anniversaire de la fondation, le P. Recteur bénit
solennellement le nouveau drapeau du collège avant la
Messe célébrée au pied de la grotte. Symbole
du collège et de son esprit, ce drapeau sera désormais
transmis de Rhétorique à Rhétorique, comme
le flambeau sacré de la Victoire.
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