Connaissant
le dévouement et les compétences pédagogiques
des Frères Maristes, ainsi que l'influence profondément
chrétienne, qu'ils exercent sur leurs élèves
dans le monde entier, le P. Monnens avait engagé l'année
précédente des pourparlers avec leurs Supérieurs.
En septembre 46 les premiers Frères arrivèrent
à Costermansville pour y reprendre la section moderne
et les classes primaires. Ainsi disparaissaient à nouveau
du Collège quelques professeurs qui s'étaient dévoués
corps et âme durant les années de guerre: MM. Haesaert,
Aussems, Lafosse et Madame Stalmans. Il ne resterait bientôt
plus personne de l'ancien personnel. En Préparatoires,
cependant, Madame Menu, haute en couleurs, continuera à
servir fidèlement le Collège de nombreuses années
durant. Si les moutards avaient une sainte terreur de la règle
avec laquelle elle rythmait les lectures en classe et la craignaient,
aussi, parce qu'elle était la femme du Commissaire de
Police, tous trouvaient en elle une excellente institutrice,
et surtout une vraie maman, préoccupée de la santé
des gosses autant que de leur savoir. Entre les cours, elle distribuait
des boules et tapissait la barza de ses mégots. (1)
Les quatre
premiers Frères Maristes resteront longtemps attachés
au Collège: le Frère Etienne, directeur; les Frères
Achille, Ernest et Paul, mirent leurs talents entièrement
au service de la cause commune. A côté de l'enseignement
qu'ils dispensaient, ils fabriquèrent dans leur atelier
un matériel didactique remarquable (cartes géographiques
électriques, mappemonde gigantesque, tableaux visuels,
etc...). Ce matériel, qui ne cessera de s'accroître
au cours des années, aurait coûté une fortune,
encore qu'on ne l'aurait trouvé nulle part. (2)
Le 18 octobre
46 eut lieu devant le grand parloir une cérémonie
inoubliable pour les anciens. En des termes simples, mais émus,
le plus ancien élève du collège et après
lui le P. Mosmans, fondateur du Collège St. Charles, remercièrent
Mgr. Monnens pour tout ce qu'il avait réalisé (et
dans quelles circonstances !) à Costermansville. Retraçant
brièvement la fondation du Collège à l'endroit
qu'il occupe actuellement, le grand bâtisseur, qui cachait
avec peine son émotion de nous quitter, souhaita pour
l'avenir " développement et prospérité
", et demanda à Notre-Dame de la Victoire, qu'il
avait choisie comme patronne, que sortent de ce collège
la future élite du Congo. Le lendemain, Monseigneur Monnens,
qui venait d'être nommé représentant personnel
du Souverain Pontife auprès de S. M. Hailé Sélassié,
Négus d'Abyssinie, s'envolait vers Rome, pour rendre visite
au Pape avant d'aller rejoindre le poste important qu'il occupa
à Addis-Abeba jusqu'à sa mort. Il dut avoir le
cœur gros lorsque l'avion décrivit un tour d'honneur
au-dessus du Collège, " son grand collège,
qu'il avait fait surgir de la brousse africaine; le plus grand
bâtiment du Kivu, le premier building de Costermansville.
(3) En attendant l'arrivée d'un nouveau Recteur, le P.
De Wolf fut désigné par les Supérieurs pour
prendre provisoirement en mains la direction du Collège.
(4)
A Noël,
il allait être déchargé de cette tâche,
qu'il avait assumée à côté de ses
fonctions ordinaires de professeur de rhétorique et de
Préfet des Etudes, par le P. Pol Meulenyzer, vieux pionnier
de la Mission de Kisantu et bâtisseur dans l'âme.
Le " Père Pol " n'était pas homme à
perdre son temps en considérations inutiles. Dès
le lendemain, il arpentait les chantiers pour achever les constructions
en cours. Durant son rectorat d'un an, il acheva la construction
de la Salle des Fêtes, il bâtit la Salle de gymnastique,
la maison des Frères Maristes, la boyerie et sa chapelle,
ainsi que la maison de campagne à Shangugu, et aménagea
les premiers tennis. (5) |