On en sortait
avec un œil auréolé, un nez épaté,
ou avec le crâne rasé comme un bonze. Et cependant,
il régnait une vraie concorde entre les gars. D'abord,
pour la fierté de Collège ensuite pour la vie religieuse.
Les membres du tout puissant " gang " étaient
aussi les fervents de la J. E. C., des Equipes Notre-Dame ou
de la Troupe Scoute et faisaient la retraite avec un sérieux
de moines. En écoutant le prédicateur raconter
ses histoires sur les fins dernières . " Non, ça
jamais! " ou " Je ne vous connais pas! ", les
superdurs se muaient en agneaux. Combien ne témoigneront
pas après leur retour de congé que moralité,
conversations ou pratique religieuse n'avaient guère à
envier d'autres écoles. Cette jeunesse-en-capitula cherchait
à se distinguer dans un domaine plus noble, plus jeune:
une franchise, qui frisait, oui, parfois la grossièreté
et un " gnon " sec et imparable.
Entretemps
les anciens élèves rentrés l'an dernier
en Europe revenaient au compte-gouttes et il ne se passait guère
de jour sans que surgisse au coin des barzas une figure connue.
De quelqu'endroit au monde qu'ils reviennent, tous manifestaient
ouvertement leur joie de retrouver ce qu'ils n'avaient cessé
de considérer partout comme "leur" collège.
Tous les jours on était témoin des liens sacrés
d'amitié qu'avait créés chez ces jeunes,
le même amour de l' Afrique et du Kivu. Quant aux professeurs
ils considéraient les choses plus stoïquement : chaque
semaine il fallait adapter un nouvel élève au niveau
de la classe, ou à l'esprit du collège. Un cas,
parmi tant d'autres, fut celui des frères Willame, qui
dès leur arrivée furent baptisés du nom
de "cheval". Ces gaillards de 15 et 17 ans sortaient
de la brousse et c'est à peine s'ils avaient fréquenté
une école. Comme on ne pouvait les mettre en Préparatoires,
on les casait chez le brave M. Gaillard, toujours disposé
à accueillir les récupérations. Mais, c'était
pour constater le lendemain que ces gars savaient en tout et
pour tout écrire et multiplier. De leur côté,
les surveillants leur apprenaient ce qu'étaient des rangs
et se trouvaient devant des originaux qui avaient une idée-fixe
: celle de ne pas quitter pour un moment leurs chapeaux... même
pas au plongeoir du beach. Comme à cette époque,
il n'y avait pas encore d'Athénées au Congo, qu'en
dehors de Cost il n'existait que les collèges de Léo
et d'Elisabethville, il fallait parfois mettre beaucoup d'eau
dans son vin. Patience et longueur de temps arrangeaient pas
mal d'affaires... et les gars finissaient par s'adapter et s'assagir.
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