De là
à se déplacer "avec les supporters",
il n'y avait qu'un pas... ou plutôt "un mot"
du P. Recteur, et ce mot fut " Oui ". 350 Km sur une
route en potopot par l'escarpement de Kamaniola, à travers
la plaine de la Ruzizi (où les Frères Maristes
rentrèrent un jour dans le décor) : cinq heures
à l'aller et cinq heures au retour. Mais on était
jeune, non ? et après cahots et secousses on tenait encore
sur ses guibolles pour régler le compte aux adversaires.
Avant le match, on se pavanait; aux citrons, on était
plus modeste; à la fin, on triomphait. Il n'était
pas rare de voir le futur Gouverneur Général Pétillon
dans la tribune. Drink chez Paguidas, où on fraternisait
à la terrasse avec les joueurs d'Usa et avec les nombreux
parents de nos élèves. Au départ (car ils
étaient chics), un bon sac pique-nique pour casser la
croûte en voyage. Le camion laissait derrière lui
des relents d'essence, de poussière et... de suffisance
juvénile: " Allons le Victory, encore un goal...
". Tout allait bien, jusqu'au moment d'atteindre au coeur
de la nuit " le point culminant" de l'escarpement :
froid de loup et brouillard. Félix, le chauffeur, ralentissait
juste au moment où on rêvait de son plumard; il
arriva qu'on dût guider le camion avec des lampes torches
pour ne pas verser dans le ravin. Entre-temps les autos des supporters
nous dépassaient plein tube, et on croisait les joueurs
d'Usa, qui rentraient de Bukavu. Halte au " Bambou "
et rentrée en silence au dortoir. Le lendemain-de-la-veille
les joueurs étaient en classe. Avec ou sans admittatur,
ils luttaient tant bien que mal contre Homère ou les intégrales,
mais les professeurs qui comptaient parmi les supporters les
plus enragés, se montraient compréhensifs. (4)
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Mais il
y avait aussi, et surtout, les matches à Bukavu, le péan
" Allons le Victory " chanté avec frénésie,
le nom des vedettes rythmé en cadence, les goals martelés
à coup de poings sur les tôles de la vieille tribune
de la' Kawa. Ambiance super tendue au top-match des Lie-de-vin
contre les Jaune-et-Bleu de l'Athénée, qu'on tint
si longtemps en échec. D'autres fois, c'étaient
les fautes de l'arbitre, les " coups vaches ", la "
triche " sifflée et huée, dans une atmosphère
tropicale mexicaine, digne des Pampas. Frissons et délire,
fièvre communicative, depuis le P. Recteur, qui bondissait
sur son siège, jusqu'aux supporteresses (ou superforteresses)
qui n'étaient pas des moins emballées. Et quand
la pluie s'en mêlait, qu'il pleuvait des hallebardes, on
rappliquait dans les tribunes, encaqués comme des harengs,
tandis que les gars continuaient à évoluer sur
le savon, filaient les quatre fers en l'air pour se retrouver
"dans la flotte". C'était le moment choisi pour
Prouvé de marquer son petit goal ! (5)
Après quelques mois d'interruption... eut lieu le vernissage
de la Salle! Les tentures couleur feuille-morte, l'éclairage
et le tableau de scène électrique installés
par la Maison Verwimp, l'écusson du sculpteur Minne étaient
prêts. Fébrile activité: les épouses
des professeurs fignolaient le rideau de scène et les
tentures, une légion de volontaires frottait, cirait,
ripolinait les boiseries. On attendait le grand monde... et ce
soir la séance allait, de fait, être rehaussée
par la présence de M. le Ministre Godding. Dans la Salle
de Gym, MM. Van der Wilt, Pas et Vermeire, disparaissaient derrière
un impressionnant étalage de bouteilles, tandis que les
dames de la ville préparaient du buffet-froid, que les
plus gourmands reluquaient avec avidité du coins de l'il.
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