Si cette
double surprise était réservée aux élèves,
une autre surprise attendait les professeurs. De ce temps, on
allait encore chercher les internes chez eux, au Nord, comme
au Sud. En général ces voyages en bus ou bateau
étaient des plus sympathiques et sans histoires. "Ceux
du Sud" comme on les appelait, càd ceux qui habitaient
Albertville et au-delà furent cette fois pris en charge
par le P van Cutsem. Retour mouvementé. Non seulement
on en fit voir de vertes et de pas mûres au brave Père,
durant le trajet au point qu'en arrivant à Kalundu il
n'avait plus dormi depuis trois jours, mais c'est entre Kalundu
et Cost que l'affaire se corsa. Le camion s'arrêtait tous
les 15 kilomètres Malgré les efforts désespérés
des grands qui exhibaient tous leurs talents de mécaniciens
improvisés... bientôt le camion refusa pour le bon
d'avancer. C'est que les "Moyens" avaient jugé
bon... pour retarder le trimestre... de mettre du sable dans
le carburateur. Cette plaisanterie de mauvais goût coûta
la vie au " Mammouth ", d'illustre mémoire,
qui avait rendu naguère de si bons services et qu'André
Paquay conduisait avec tant de virtuosité. Du parking
d'un garage le Mammouth regarda - bien longtemps encore - non
sans mélancolie, passer les méchants garnements
du Sud et semblait "barrir" pour filer avec eux en
excursion. (9)
Le lundi de
Pentecôte les élèves firent l'ascension du
Kahuzi et créèrent la tradition de le monter tous
les ans, le lundi de Pentecôte.
Petit à
petit arrivaient de Belgique de nombreuses malles et caisses
les premiers livres classiques imprimés qui remplaçaient
les cours polycopiés, des centaines de livres de lecture
et le début d'un équipement scientifique. Parmi
les activités parascolaires signalons surtout les premiers
sermons pour européens dans la chapelle du Collège,
et les conférences du P De Wolf. Ces conférences
religieuses étaient suivies par l'élite intellectuelle
de Costermansville. Celle-ci avait été trop longtemps
privée de nourriture spirituelle et désirait un
approfondissement des problèmes religieux. On y rencontrait
à côté de catholiques des orthodoxes, des
protestants et des non-croyants. Ces réunions suivies
de discussions se terminaient tard le soir le conférencier
garda longtemps la faveur du public et fit un bien immense. (11)
Pour la Distribution
des Prix on joua - ce fut la dernière séance donnée
au réfectoire - " Les Fables de La Fontaine "
et un concours d'éloquence mit quelques rhétoriciens
à l'honneur. (12)
Les séances
au réfectoire... ! Quel remue-ménage c'était
après le souper, de sortir en vitesse, les lourdes tables,
de les déposer dans les barzas, de vite balayer tout et
de remettre les chaises en place. Mais les gars s'entendaient
à faire des transformations de ce genre. En quelques minutes
le réfectoire était converti en salle de spectacle.
On se rappellera que de ce temps, il y avait une scène
au bout du réfectoire endroit rêvé pour aller
fumer une cigarette en toute paix et tranquillité à
l'abri des regards indiscrets. Cette installation de fortune,
qui ferait rire aujourd'hui procura cependant des soirées
agréables et divertissantes aux élèves et
à la ville, qui ne disposait que d'une petite salle de
cinéma genre Far West. (13)
Des 267 élèves
qui avaient commencé l'année scolaire, il n'en
restait, malgré l'arrivée des belgicains, que 200
à la fin de l'année, si nombreux avaient été
les retours en congé. Arrivées, départs
surtout, population flottante, des dortoirs vides... on était
sceptique sur l'avenir et certains de penser que les Jésuites
avaient vu trop grand. (14) |