Quelques
jours à peine après l'indépendance, les
événements tragiques de Thysville vinrent compromettre
l'atmosphère paisible qui régnait au Congo. Ces
troubles eurent leur répercussion au Kivu. Quoique la
situation y fût calme, pas mal d'Européens prirent
la décision de s'en aller. La situation à Léopoldville
et l'exode massif des Européens faisaient craindre le
pire. Le collège se transforma en un hôtel de passage.
Il y avait en permanence 200 personnes à loger et à
nourrir. Ceux qui trouvaient une occasion de s'en aller en avion
ou en voiture, étaient immédiatement remplacés
par des réfugiés de l'intérieur du pays.
Le col-lège ne désemplissait pas. Tandis que les
Pères du collège accueillaient les réfugiés,
réglaient les chambres ou beurraient des tartines, les
mamans préparaient le tchop ou servaient à table.
Les hôtes s'aperçurent que les Pères savaient
faire autre chose que donner des cours de Latin ou organiser
des fêtes. Durant un mois le collège fut le refuge
des " voyageurs sans bagages ". Lorsque les réfugiés
arrivaient à Usumbura, ils n'étaient pas moins
surpris de trouver au Collège du Saint-Esprit Esprit le
même accueil chaleureux et... le sourire réconfortant
du P. Goux. Cette hospitalité fut pour beaucoup qui ne
connaissaient pas les Jésuites une révélation
et dissipa pas mal d'appréhensions. (1)
Après la bourrasque, on se dénombra. On décida
de repartir à zéro. Des semaines durant, ce chiffre
resta inchangé. Les Congolais se montraient hésitants,
les Européens attendaient le déroulement des événements.
Mais, quinze jours avant la rentrée, le parloir ne désemplit
plus. |
Les Congolais
ayant constaté que le personnel du collège était
resté sur place, du moins en grande partie, qu'il était
prêt à mettre ses compétences au service
du pays, ils ne tardèrent pas à y faire inscrire
leurs enfants. Le bâtiment n'avait subi aucun dégât
et avait été épargné de vols. Notre-Dame
de la Victoire nous protégeait visiblement. (2) Il faut
rendre hommage au Président Miruho et à son gouvernement
d'avoir fait régner au Kivu un climat de paix et de sécurité.
Pas mal d'Européens rentrèrent à Bukavu,
de sorte qu'au début de cette année scolaire, le
collège comptait encore 694 élèves, dont
463 africains. Le nombre des internes était réduit
à 70. Les classes supérieures n'étaient
certes pas très fournies : 162 élèves en
Humanités et cha-cune des 4 classes supérieures
comptait 6 élèves à peine. Cette diminution
ne tenait pas uniquement au départ des Européens,
mais il fallait tenir compte du fait que les Congolais qui fréquentaient
les Humanités étaient inscrits depuis toujours
au Collège St. Paul ou au Séminaire du Mugeri.
Le recrutement était donc forcément réduit.
Pour taire nombre les élèves de sixième
Latine du Mugeri vinrent s'ajouter aux nôtres. (3)
Un phénomène inattendu se produisit. Tous les non-afri-cains,
asiatiques aussi bien qu'Européens, se donnèrent
rendez-vous au collège et on hérita de pas mal
d'élèves de l'Athénée. Partant, le
collège prit un caractère particulier : moins fermé
sur lui-même. On accueillit des élèves de
races différentes, de tous pays, de religions différentes
et on accueillit même... des jeunes filles. Ce caractère
hétéroclite ne fera qu'augmenter quand arriveront
les premiers techniciens de l'O.N.U... Il risquait toutefois
de compromettre le "bon esprit" qui avait toujours
régné au collège. Grâce à Dieu,
il n'en fut rien. Tout le monde se sentit " chez soi "
et il se créa une vraie solidarité entre tous.
" Si tous les gars du monde... " devint ici une réalité
vivante. (4)
Qu'on nous permette de nous étendre un peu plus longuement
sur les départs et arrivées des professeurs. Comme
de bien entendu, jamais le personnel enseignant ne fut à
ce point bousculé. Au cours des vacances le P. Recteur
fit un voyage éclair à Bruxelles pour contacter
le personnel enseignant et le persuader que le calme régnait
à Bukavu. De l'ancienne équipe restaient: MM. Bussers,
Geerts, Zaman, Van der Vorst et Mme Van der Cammen. D'autres
avaient été engagés sur place ou en Belgique:
M. Slaets (qui venait du pensionnat), Jean Dardenne (ancien élève
du collège) remplaçait M. Van der Wilt, passé
au collège d'Usumbura, Mme Luyckx. En Préparatoires
enseignaient M. Bouthy, Mme Dahin (mère de Guy), Mme Heyneman,
Mme Mulkers, Mme De la Sorte, Mme Cocquereau, Mme Morandini,
Melle Renier (sur de Victor) et l'inséparable trio
Matthieu-Verstraeten-Hastir, dénommé " les
trois mousquetaires ". Les PP. Collin et Bourgeois étaient
partis pour le collège d'Usumbura. Les PP. Coen et de
Wilde étaient rentrés en Belgique pour leurs études. |