La création et la croissance de la section
néerlandophone remplit
un épisode modeste mais néanmoins passionnant et haut en couleurs
de l’histoire de notre collège. Sur les 150.000 Belges qui
vivaient outre-mer à l ‘époque, il y avait 110.000 Flamands;
au Congo leur nombre n’atteint pas les mêmes proportions mais
formait un groupe tellement important que l’on ne doit pas
s’étonner que depuis 1947 des voix s’élèvent partout pour
assurer aux enfants flamands une formation correspondante à leur
langue et culture pour satisfaire leurs souhaits légitimes.
Notre collège démarra une section
néerlandophone, une première au
Congo, grâce à l’impulsion de quelques personnes de Bukavu. En
septembre 1948 s’ouvre la première classe préparatoire
néerlandophone sous la houlette des Frères Maristes. En septembre
1950 démarre la première Sixième Latine, sur laquelle se basent
les développements ultérieurs.
Pourquoi ces 12 années de la section
néerlandophone, de 1948 à
1960, sont-elles, pour ceux qui en ont fait partie, si débordantes
et riches de souvenirs ?
Est ce pour cette inoubliable beauté de la
nature dans laquelle nos
jeunes années ont pu s’épanouir ?
Tous les jours nous profitions de la vue du
panorama des montagnes et
collines enveloppées de brumes bleuâtres qui émergeaient, et du
lac Kivu avec ses baies, presqu’îles, criques et îles
paradisiaques pleines de rêve et mystérieuses.
De chaque barza du collège nous voyions les
cinq presqu’îles de
Bukavu comme des fins doigts d’une main serrant le miroir bleu du
lac, où les ombres des nuages progressent au-dessus des flancs des
collines, pendant qu’une brume bleue azur diaphane coiffe les
vertes collines.
Sûrement ! Ceci n’est que malgré tout le
cadre.
Nous sommes surtout reconnaissant du fait que
notre modeste section
offrit la possibilité d’épanouir notre esprit et caractère ou de
les partager avec d’autres, et par ailleurs ainsi conçu de ne pas
vivre dans un ghetto et de vibrer pleinement au rythme cardiaque du
collège où les francophones formaient la grande majorité. Nous y
vivions pleinement et devenions nous-mêmes. Surtout en humanités
supérieures, nous prenions conscience de notre propre patrimoine
artistique et littéraire très riche, mais nous l’abordions de
préférence depuis la réalité africaine dans laquelle nous
vivions. N’est ce pas ainsi que l’histoire du chef-d’œuvre de
Multatuli, Saïdja et Adinda, est vécue à partir de notre propre
situation africaine ?
N’était ce pas comme cela que le petit Johannes
de van Eeden s’est
mis à écrire une histoire au style le plus raffiné qui a paru dans
Orientation : ‘Met Windekind door Kivu’ ? N’est ce
pas parce que la poésie ‘Suid Afrikaans’ a éveillé une
résonance particulière en nous ?
O Afrique ton nom
gronde comme la mer !
Ta voix est comme le vent nocturne,
profonde et sombre
Et en nous appelle, née du fond des
siècles, une abeille
Vers les immensités où les étoiles
immobiles scintillent
Aussi,
hors des relations
scolaires, nous trouvions au collège une atmosphère culturelle
toujours plus enrichissante. Bukavu était considérée comme une
ville provinciale culturellement pauvre, mais beaucoup s’étonnaient,
à leur retour d’Europe, qu’ils disposaient de possibilités plus
riches grâce au troupes théâtrales et artistes en tournée.
Ceux-ci se produisant pratiquement toujours au collège, nous
profitions d’un répertoire très large : représentations de
pièces modernes et classiques par le Théâtre de l’Union
Française, le Théâtre des Galeries, Le Vlaams Schouwstoneel, le
K.N.S. etc. Nous écoutions les explorateurs comme Dr Bombard, Alain
Deprelle, Gregory de l’expédition Himalaya, Raab du Kon-Tiki, nous
écoutions Charles Trenet, Bobbejaan Schoepen, The Westminster
Singers, les récitals de violon de Lola Bobesco et J. Genty nous
transportaient, nous assistions aux lectures de poètes Flamands de
leurs œuvres comme Pieter Buckinx, Marcel Coole, déclamations de
Viala, Bernard du Nederlans Kamertoneel etc. La liste est longue.
Comme
disait A. Helman
‘Les Souvenirs sont comme des oiseaux farouches qui volettent de
toit en toit, qui franchissent à peine leurs faîtes et planent dans
les airs’. Nombreux sont ceux qui s’abaissent aux farces
étudiantes qu’ils commettaient ou à la vie quotidienne riche en
activités, sottises et exploits. Quel père était-ce qui dans le
feu de son exposé basculait dans la poubelle cul par dessus tète ?
Quel sympathique préfet des études qui lors d’une inspection, à
bout d’arguments, s’exclama ‘Mais Jan, ne me regarde pas comme
un chien devant une vache malade!’ ? Lors des journées
d’excursion nous pouvions pénétrer dans le pays montagneux
enchanteur qui émergent autour des berges du lac : le Biëga,
le Kahuzi, plus loin les volcans aux noms magiques comme Nyamlagira
et Nyiragongo, la réserve naturelle Albert, ou vers le sud Kamaniola
et le lac Tanganyika nous ont laissé pour la plupart des souvenirs
inoubliables.
Shangugu,
Ruzizi, La
Michaudière offraient des alternatives plus modestes, néanmoins
passionnantes, avec des jeux de nuit et marches pédestres.
Devons-nous évoquer aussi les excitants jeux de St. Louis se
terminant par l’immolation d’un dinosaure ou le bombardement du
collège qui couronnaient beaucoup d’autres attractions ?
Aussi les passionnantes courses de caisses-à-savon, la petite
aviation, l’atelier où des voitures étaient bricolées, démontées
puis remontées ? N’oublions pas non plus les ‘Fantastic
Fancy Fair’ qui attiraient la population de la ville au collège à
la plus grande joie des Troubadours (qui se rappelle encore ‘la
marche des puces’ du P. Boon ?) et les Star Boys.
Le
domaine où la section
néerlandophone s’est illustrée à l’extérieur, avec un
palmarès exceptionnel en souvenir, est le théâtre. Dès le début
de sa création, le Vlaamse Vriendenkring proposa, au moins une
quelquefois deux représentations annuelles une pièce de théâtre
flamande.
Dans
la mesure où la
section néerlandophone se développa, le désir des garçons grandit
de jouer eux-mêmes dans les pièces.
En
1953, un premier essai
était effectué avec la section primaire qui sous la direction des
Frères Maristes et les profs laïcs, bien actifs, avec ‘Muziek in
het Woud’.
L’année
suivante,
lorsque en Humanités s’ouvrait la première troisième latine et
avec la section primaire la section néerlandophone comptait plus de
80 élèves. Notre dynamique régisseur de théâtre Carlo Heyman
s’attaqua à une pièce monumentale ambitieuse ‘Reinaert de Vos’.
Plus de 40 acteurs et figurants représentaient notre moyenâgeux
Reinart au devant de la scène, en un spectacle qui était non
seulement une interprétation mais aussi un spectacle complet: son,
lumière et couleurs, danses, pantomime et une musique
particulièrement choisie. C’était le succès de l’année.
La
réalisation de toutes
les pièces théâtrales flamandes n’ont pu être réalisées que
grâce à l’appui qui est venu de partout : les épouses des
profs du collège, le V.V.K, les profs du pensionnat et de l’athénée
ont volontiers fourni l’aide. L’année suivante, le même
régisseur infatigable créa ‘Tijl Uilenspiegel’, qu’il écrivit
d’ailleurs lui-même. Tout comme Reinaert, la pièce fournit une
grande variété d’effets ‘son et lumière’. Tenant compte des
figurants, la troupe s’élevait à pas moins de 81 rôles. La pièce
comptait un prologue et 2 actes. Le collaborateur du ‘De Week’
écrivit à propos du prologue : Avec l’écran s’ouvrait un
monde fourmillant de couleurs bigarrées : le chef d’œuvre de
Breughel. La noce paysanne était représentée avec ses couleurs
vives en êtres de chair: après une demi minute d’immobilité, la
danse commence la joyeuse noce avec une douce valse lente.
Les
porteurs de tartes au
riz, les sonneurs de cornemuse, les serveurs de bière passent le
long des gourmands paysans et paysannes, les béquilles
s’entre-cognent pendant que, dans un coin, un petit bâfreur de
tarte breughélien à casquette rouge se remplit la panse. Puis le
garde y apporte le petit Tijl et une folle farandole fête la
naissance de Tijl Uilenspiegel. Après ce tableau féerique qui
remporte des applaudissements soutenus, le bouffon, le héraut et
maître Breughel nous introduisent dans le 16é siècle tragique :
Katelijne, la tante de Tijl, est brûlée comme sorcière sur le
bûcher mais elle annonce Tijl comme le futur libérateur des
Pays-Bas.
Ce
n’est pas un moindre
mérite de Reinaert et Tijl qui rencontre facilement l’appréciation
du public francophone et qui a rapproché ce groupe de notre culture.
A
partir de 1953, la
section réalisa chaque année une ou plusieurs pièces de théâtre.
Après Tijl ce sont les primaires qui manifesterons la plus grande
activité avec ‘Maarten de Haas’ en 1956, ‘Le Moulin
extraordinaire’ en 1957 et le ‘De scepter van Koning Bombazijn’
en 1959.
Les
humanités portèrent
encore en 1956 des poèmes de Gezelle au théâtre en danses et chant
puis ‘De Opstand der Poppen’ en 1957, mais un fait nouveau se
présenta lorsque les profs flamands montent eux-mêmes sur le
podium: en 1957 ils présentent avec quelques élèves ‘Het Heilig
Experiment’ de Hochwalder et l’année suivante, ‘Het Mes der
Barmarmartigheid’ de St. Andres.
Toute
cette activité
n’empêcha pas la section d’ouvrir les yeux sur les réalités
africaines dans lesquelles ils vivaient et de se rendre utile. Une
activité régulière est mise sur pied pour soutenir les missions.
Monsieur Lapage n’était pas seulement l’interprète principal
dans Reinaert et Tijl, mais aussi un des animateurs du cercle Social
qui fabriquait des croix pour le quartier de Bagira et plus tard
érigera une chapelle et salle de cours au bord de la forêt primaire
dans le massif du Biëga. De même, les scouts flamands ne furent pas
oisifs et comme conseiller-assistant aidèrent les troupes de scouts
congolais. Nombreux sont ceux qui en gardèrent de beaux souvenirs de
ce service fructueux. Aussi quand en 1959 la troupe ‘Reinaert’
XXe Kivu fut constituée, cette serviabilité à l’Afrique resta un
but essentiel.
Quand
nous nous rappelons
ces 12 années de la section néerlandophone, nous ne pouvons qu‘être
heureux de sa riche existence. Elle réussit, dans un collège
cosmopolite, à développer un caractère propre et malgré tout à
s’adapter harmonieusement à la communauté où ils œuvraient.
Ceux qui sont rentrés en Europe ou restés en Afrique sont toujours
reconnaissants pour ces années où l’ humanisme chrétien leur fut
apporté, que en sus leur fut apporté croissance et force de
persuasion, pour qu’il puisse rester ancré dans leur propre
peuple.
Le
Collège et le Vlaamse
Vrienden Kring
Comment
elle grandit !
Eh
oui, comme nous atterrissions en octobre 1950 à Bukavu, nous avions
raté le début de l’épopée. Le V.V.K.
et le
cercle de théâtre existaient et fonctionnait déjà. Nous pensions
atterrir dans un nouveau monde loin de la lutte et politique en
Belgique. Très vite, nous constations que nous devions travailler avec
nos ‘goedendag’ et devises de combat. Nous n’atterrissions
pas chez les africains mais bien dans un collège de blancs, où la
plupart des élèves parlaient français et tous les profs
néerlandais (à une exception près).
Comment
fut rallumé le
feu sacré ? Vous entendiez les récriminations à plusieurs
reprises : la haute administration de la colonie belge était et
resterait francophone. Les blancs étrangers avaient tout intérêt à
laisser leurs enfants éduqués dans une langue ‘universelle’.
Les flamands qui ne voulaient pas voir leurs enfants ‘muselés’
se voyaient obligés de sacrifier leur vie de famille. Ils devaient
renvoyer leurs épouses et enfants scolarisés en Belgique.
Lorsqu’après 1945 plus de flamands arrivèrent au Congo et que la
‘Charte des droits de l’homme’ fut promulguée à San
Francisco – Charte que le parlement belge a approuvée – il fut
pensé et travaillé à une ‘Section Flamande’.
Ainsi
naissait en 1948 au
collège de Bukavu, où le père Meulenyzer était recteur, père
Dewolf, le préfet des études, et le père Smets, préfet de la
discipline, une classe regroupant quatre années et frère Pieter,
Mariste, dirigeait 18 élèves.
A
partir de l’année
1949, des lettres furent envoyées au Gouverneur Général, aux
ministres, aux parlementaires (Van Cauwelaert – Struye visitaient
Bukavu et guidés par CDD Gevaerts qui profita de l’occasion de
leur parler de l’enseignement Flamand). Mais c’est en coulisses
que le travail s’est révélé le plus fructueux. C’est grâce à
Mr Welvaert, Directeur Général de l’Enseignement, qu’annuellement
sera inscrite une nouvelle classe flamande au budget et donc libérer
les crédits. Le Gouvernorat Général écrit qu’il ne peut pas
donner de garanties concernant un cycle scolaire primaire complet,
néanmoins il se créera chaque fois une classe supplémentaire
jusqu’à ce que en 1950-51 démarra une 6é Latine.
En
cette même année
1949, fut franchi un pas important sur le chemin d’une ‘Vie
Flamande Consciente’.
Le
10 Novembre se
tiendra, dans une des salles du collège, une réunion où il fut
décidé de créer un Vlaamse Vriendenkring Bukavu à l’instar du
V.V.K. d’Elisabethville (1943) et le V.V.K. Leo (1944). Assistèrent
Mrs De Pooter (affaires économiques), De Potter(enseignant Athénée),
Ral (id.),Pas (enseignant Collège), Van der Vorst (id.), Gielen
(ingénieur), Bouchet (administrateur de territoire), Van Rompaey
(service territorial), Gevaerts (CDD) et Smets(S.J.). Puis il fut
demandé à Mr. D’Hooghe de faire partie de la direction.
Au
27 novembre 1949, la
‘bonne’ communauté se choisit une direction, sortit de l’urne
Mr. Gevaerts comme premier président. Cela inaugura une période de
combats et victoires, un temps qui finira par un exode général des
blancs en des jours troubles d’arrestations arbitraires, de
bastonnades et pire …. après la ‘Libération’.
Mais
que de choses se
sont passées entre-temps.
Au
27 décembre 1949 fut
inaugurée la tradition de la fête de Noël du VVK.
Un
groupe d’amateurs
réalisera dans des conditions héroïques ‘La Bataille des Eperons
d’Or’. Ce fut le début d’une série de représentations (deux
par an) et le baptême du feu d’acteurs qui se grouperons en Cercle
Théâtral.
Entre-temps
arriva le
Père Croonenberghs au collège pour prendre en charge le rectorat.
Il comprit pleinement que notre désir de préserver notre propre
identité devait être soutenu par deux piliers : un
enseignement néerlandophone et une vie communautaire flamande
intense. Chaque fois que le VVK faisait appel au collège, il était
le premier à accepter chaque initiative ou de lutter ‘avec poings,
dents et vitriol’ la direction (nous pensons naturellement à F.
Gevaert) du V.V.K. pour nos droits.
Ainsi
vinrent des
nouvelles classes flamandes où les matières principales étaient
données en néerlandais et les matières complémentaires en
français et un cours renforcé en français qui préparait les
garçons à passer sans examens lourds vers les trois régimes
linguistiques de la patrie ou pour entamer l’université et d’y
réussir. Nos garçons (et filles jusqu’à la 2é année)
découvraient les trésors de la culture flamande, d’assumer leur
propre identité et dignité, d’être des jeunes flamands fiers qui
sans bafouillages s’expriment dans une autre langue européenne
(comme prof d’anglais et allemand je n’écris pas seulement en
français)
Nos
enfants étaient
ainsi préparés à exercer une bonne profession, parce que l’on
exigeait de plus en plus un bilinguisme complet. C’est ainsi que
pour la première fois que le but du V.V.K. était traduit en actes
comme écrit dans la circulaire de la création du V.V.K. :’
Le V.V.K. ne veut pas devenir une caisse de résonance du carnet de
doléances en métropole, mais s’efforce, en temps opportun, de
guider les directions tant privées que publiques dans leurs devoirs
envers la partie flamande de la population européenne’ signé Dr.
D’Hooghe et Frans Gevaerts.
Allumons,
nous flamands,
un cierge de reconnaissance à ces combattants de la première heure.
En
septembre 1950, le
père Rollier S.J. prendra en charge la première 6é Latine et Mme
Lesage aidera le Fr. Jozef en primaire. Quand le Ministre Dequae avec
son chef de cabinet Claeys Bouaert (un ami de Mr Gevaerts) visitent
Bukavu, ils s’entretiennent ave le père recteur et la direction du
V.V.K.. Beaucoup de compréhension est montrée mais aucune promesse
ou assurance est donnée qu’une section complète d’humanités
néerlandophone sera créée.
N’oublions
pas que
nous, flamands du Congo, n’avions pas le droit de vote en
Belgique,
que nous ne pouvions pas agir sur le plan politique, que nous devions
vivre de ‘promettre et oublier’ des politiciens belges de
passage.
Une
Constitution
Coloniale (Koloniale Keure) de 1908 existait mais les agents
administratifs du Congo n’avaient pas de contrôle sur leurs
propres intérêts dans la colonie en ce qui concerne l’éducation
scolaire de leurs propres enfants. Ils ne pouvaient pas changer
eux-mêmes leur situation existante, comme le R.P. Van Reeth
(Davidsfonds) le conseillait dans sa brochure : ‘Kongo :
Rijksgebied ook voor Vlaanderen’ (Congo : territoire d’état
aussi pour la Flandre). Mais bon, avec du temps et conseils devant ou
dans les coulisses, nous progressions.
La
première 5é Latine
démarra en 1951 avec Frans Holemans comme titulaire.
Le
ministre Dequae avec
son chef de cabinet Mr Spitaels arrivent au Congo en 1952. Mr
Gevaerts les rencontrent à Kasongo et les réunit à nouveau avec le
R.P. Recteur et la direction du V.V.K. Ils promirent là qu’une
section complète d’humanités flamande sera constituée au
Collège. Il en sortira également une motion au ministre de la
création d’une commission linguistique au Congo.
La
première 4é Latine
démarre avec Mr Carlo Heyman comme titulaire en septembre 1952.
(Quel gain pour la vie théâtrale !)
En
décembre arrive une
copie de la motion (cf. supra) au Conseil Economique de Flandre, vers
l’Union Economique Flamande (e.a). Notre proposition est acceptée.
En
1953, le Ministre
Dries Dequae donne l’assurance écrite que les enfants qui
commencent en néerlandais pourront aussi terminer leurs études en
néerlandais. Donc : Enseignement Froebel, primaire et
secondaire en néerlandais à Bukavu.
Mr
Cornelis est nommé
Vice Gouverneur General. Au collège surviennent de grands
changements.
Notre
bâtisseur-organisateur, le R.P. Croonenberghs part vers le collège
Saint Ignace à Anvers (il y a à construire .. et comment !)
et sera remplacé en 1954 par le R.P. Schurmans. Nous voyons avec des
yeux humides le R.P. Smets nous quitter vers Kisantu.
En
septembre 1953, une 3e
latine verra le jour avec le père Butaye. Le père Jansen deviendra
titulaire de la poésie en septembre 54. La première rhétorique
flamande débute avec le père Collin. En 56, le père Van der
Meersch lui succédera comme professeur titulaire de rhétorique et
en 56 le R.P. Jansen reprendra cette lourde tâche. La suite sera
décrite par le père Smets qui est plus informé.
La
lutte du V.V.K. pour
un enseignement flamand au Congo n’est cependant pas encore
terminée. Ainsi est créée le 8 mai 1957 une commission qui a comme
but : la rédaction d’un décret traitant le règlement
linguistique pour les domaines administratifs et juridiques. Une
lettre ouverte de Bukavu est envoyée à Mr Eyskens, premier ministre
et ministre des colonies. Cette lettre est reprise par plusieurs
journaux en Belgique. Le V.V.K. demande après 50 ans la révision de
la Constitution Coloniale de 1908, le respect des droits de l’homme
(Charte de San Francisco), e.a . l’assurance de la continuité
de l’enseignement néerlandais. Le R.P. Croonenberghs redevient le
recteur en août 1958 ; le R.P. Smets nous est revenu.
En
ce même mois paraît
le premier numéro de ‘Schakels’ (Relais) qui nous lie plus
solidement à une chaîne de solidarité flamande. Nous devons un
sincère mot de remerciement pour son dévouement à Carlo
Ingelbrecht qui assura la parution régulière de cette publication.
Une
réponse du ministre
Van Hemelryck à la lettre adressée au ministre Eyskens, qui lui
céda le ministère des colonies, parvient au V.V.K. le 27 septembre.
Il y écrit : L’extension de l’enseignement néerlandophone sera
toujours l’objet de mon attention particulière.
Le
ministre Van Hemelryck
reçoit Mrs Heyman (entre-temps élu président), De Roy et Gevaerts
le 26 janvier 1959. Lui est transmis un mémorandum avec les
exigences du V.V.K.. Le ministre promit fermement que la création
d’humanités bilingues à l’Institut de la Sainte Famille recevra
une solution favorable. Après maintes discussions et prises de bec
jusqu’aux petites heures du matin sortira un accord de principe
qu’en 1959 après consultations des différents V.V.K et le G.G.
Cornelis sur la création des humanités pour filles et
l’autorisation de commencer tout de suite. La première 6e
moderne pour filles commence en septembre 1959 sur la colline près
du ‘Belge’.
Bien
que ceci n’a rien
à voir avec le titre ‘V.V.K. et le collège’, je voudrais
souligner les mots de F. Gevaerts lorsqu’il parle de l’institut
de la Sainte Famille parce dès maintenant il faudra collaborer
étroitement, Collège et Sainte Famille, pour fournir à nos enfants
une éducation valable. Ecrit F. Govaerts : « Il faut
signaler que depuis 1947, les différentes Autorités de l’Institut
étaient accommodantes et collaboraient, via la maison mère à
Bruxelles, à soutenir la flamandisation. Si cela ne se produisit pas
plus tôt (1959), ce n’était pas à reprocher aux représentantes
à Bukavu. J’honore spécialement la Révérende Mère Mathilde
Lamberichts, qui depuis 1948 assumait les différentes fonctions et
collaborait toujours avec les Autorités. »
A
la table ronde sur
l’enseignement néerlandophone au Congo du 14-16 octobre 1959, il
est accepté par les trois représentants des flamands (F. Gevaerts,
Dr Karel Seghers et prof. Willy De Pauw), entr’autres pour des
raisons budgétaires, qu’à Bukavu les humanités du collège
s’ouvrirait aux filles, aussi bien celles de la Sainte Famille que
celles de l’athénée. (Auparavant, Mr F. Gevaerts consulta Mgr.
Van Steene, Mgr. Cleire et la Révérende Mère de la Sainte
Famille)
Il
est demandé par les
représentants que les coûts de l’enseignement flamand comme
francophone serait portés par le ministère belge de
l’enseignement. Les frais de l’enseignement Frœbélien seraient
totalement à charge des parents.
Ainsi
commença l’année
1960 du ‘Crépuscule des Dieux’. Pourtant n’étions nous,
flamands, pas assez Germains. Il n’était pas question de
défaitisme ou pressentiment de naufrage. Des lettres furent toujours
envoyées aux ministres pour ne pas oublier les promesses concernant
l’enseignement néerlandophone. Le ministre Scheven, en présence
du G.G. Cornelis, donne l’assurance que l’enseignement flamand
sera garanti dans tous les cas, éventuellement dans le cadre de
l’assistance technique au Congo fournie par la Belgique.
Une
lettre est écrite au
premier ministre avec copie à tous les ministres et parlementaires
ainsi qu’à toutes les associations économiques en Flandre, qui
traite de l’organisation de la présence belge au Congo après le
30 juin 1960.(16 avril 1960).
Ces
points de vue sont
repris le 16 juin dans un mémorandum (le quantième ?). Sur le
contenu, il vaut mieux en parler ailleurs parce que le 30 juin arriva
et du même coup le Carnaval des Dieux. A Bukavu, Le R.P.
Croonenberghs et Mr Gevaerts recommencent à lutter (contre des
puissances occultes cette fois) comme il y a 13 ans.
Ainsi
il fut décidé
bien avant septembre 1960 que :
1)
Que le V.V.K.
organisera une école primaire privée.
2)
Que le collège louera
deux locaux à la V.V.K.
3)
Que le V.V.K. engagera
et paiera deux enseignantes
4)
Que les cours
reprendront en janvier 1961
Le
père Croonenberghs
écrira sûrement le reste de l’histoire de la lutte flamande et du
collège.
Une
circulaire fut
envoyée vers les parents concernés de Bukavu et environs, le 17
novembre 1960.
Fin
décembre, l’école
primaire comptait déjà 41 enfants inscrits en primaire.
Arriva
le 1e
janvier 1961. C’était un roman d’horreur à part.
Que
se passe t’il au
collège en dehors de l’enseignement ? Ceci pourrait
représenter un gros chapitre si traité in extenso. Mais d’autres
avant moi, et mieux que moi, l’ont fait. Je renvoie donc aux
fervents amateurs de théâtre au numéro anniversaire de Schakels
page 53 et suivantes. Ils pourront y savourer les souvenirs vénérés
des réussites théâtrales où la salle complète du collège
pouvait aussi bien frémir, pleurer d’émotion, secouer les sièges
de rire.
Quel
professeur du
collège n’interprétait aucun rôle ou souffla les acteurs leur
rôle depuis la fosse ou encore aidait à maquiller ou confectionner
des costumes. Ne parlons pas de la toujours disponibilité de la
famille musicale Van der Vorst. Combien de pères ont vu leur nom
mentionné dans les comptes-rendus et sur les programmes du V.V.K.
J’y ai trouvé les conférence du P. Smets (’49), P. Jansen (’50,
’58), P. Bertrand (’53), P. Butaye (’55), P. De Schaepdrijver,
P. Van der Meersch. Et aussi les profs : Pas, Van der Vorst,
Zaman, Geerts, Holemans, Heyman, Westhovens, Snijders, Bussers (et
tante Lena !), Lapage, Moons, Van de Voorde (+), Slaets et tous
les profs et ‘professeures’ qui n’en n’ont pas moins démérité
à qui les enfants tenaient ‘cœur et âme’ après 5 ans de
séparation …. ce qui veut dire beaucoup dans une vie d’enfant.
Il y avait aussi le groupe Reinaert qui rassemblait une cinquantaine
de garçons en un mouvement scout, qui était certainement à sa
place dans un continent où ils étaient nés.
Sous
la direction
toujours inspirée de Carlo Heyman et le P. Vivex, ils apprenaient à
construire leur propre local, apprenaient à chanter, jouer au
théâtre et tutti quanti.
Ainsi,
il y avait la
chorale qui n’enchantaient pas que les services religieux mais
agrémentaient aussi les fêtes du V.V.K. Citons R.P. Goossens
(l’arrangeur compétent de nos mélodies préférées), R.P. Van
den Abbeele et Carlo Heyman comme chefs de chorale. Il y avait le
théâtre de jeunesse régie par Mme Geussens et Frère Eugeen
(Mariste) et Mr Buytaert où les jeunes néerlandophones pouvaient
pratiquer leur engouement splendide pour le théâtre. Il y avait le
club photographique que mena Carlo Heyman encore et ses magnifiques
expositions tenues au collège. Les soirées cinéma organisées au
collège où nous voyions les Bambuti construire leurs huttes, le
Nyamlagira crachant le feu ou encore les belles hébraïques danser
en l’honneur de Jahvé (artistiquement montés par Erik Weymeersch
et le père De Vlo). Notons encore la bibliothèque qui ouvrait tous
les dimanches de 8 à 12 où nous pouvions feuilleter des périodiques
et livres flamands et, aidé par Frère Stan Joosen empressé,
partions avec une cueillette de passionnante littérature, assez pour
meubler le longues soirées avec les sympathiques ou horribles gens
de notre mère patrie ou d’ailleurs.
AND
LAST BUT NOT LEAST,
il y avait le théâtre.
Je
le l’ai déjà dit :
qui souhaiterait revivre tous ses bonheurs consultera l’article de
Gil Claes, la secrétaire permanente, qui à partir des données et
noms, loue tous les régisseurs et acteurs dans le numéro jubilaire
de Schakels. Mais je ne peux pas passer sous silence certaine soirées
sous le pseudo ‘Soirée Théâtrale’ . Je vois encore vivant
devant mes yeux le thriller : Dix petits nègres (A. Christie)
où nous tremblions agréablement sous la régie de R. Watteeuw ….
Un professionnel compétent et un talentueux acteur qui ne rechignait
pas aux difficultés et acceptait les plus gros rôles et la régie
(16 fois, je les ai comptés). A chaque fois, nous découvrions un
autre Watteeuw, quand il jouait un rôle. Lorsque en 1954 apparut un
ancien co-étudiant qui venait remplir nos rangs, nous ignorions
comment il allait apporter à nos vies couleurs et musique.
Carlo
Heyman devint prof
mais se limiter à enseigner et lire des livres n’était pas pour
lui. Quand il prenait en charge la régie, il utilisa à bon escient
toutes les formes artistiques. Il était homme à partager tout son
savoir, sa sensibilité et goûts aux élèves, à ses jeunes et
acteurs et les laisser jouer texte, chant et danse, rythme et ton.
Lui, classique, ne craignait pas d’adapter pour les jeunes la
versification de l’épopée de Reinaert entr’autres. Cela
devenait une fête colorée.
Le
collège démontra par
là que la section flamande avait toutes les raisons d’exister. Les
critiques de théâtre s’efforçaient d’écrire sur la valeur
d’un théâtre pur et de masse, ce fut pour nous une véritable révélation
lorsque Carlo Heyman apparaissait sur la scène à
Bukavu. Il démontra, notre Heyman de Bukavu, que nous ne réagissions
pas comme des «incultes hommes de la brousse », nous
étions enthousiastes de ce qu’il nous apporta. Son nom fut cité
maintes fois aux programmes télé., et reçut aussi bonne presse. Il
n’hésita pas, à côté de la régie, d’interpréter des rôles
très lourds assisté, avec brio, par Guy Lapage.
Je
voudrais encore
signaler avant de vous laisser plonger dans vos propres
préoccupations: La soirée de cabaret ‘De Charmante Negen’ dans
lequel des auteurs et exécutants du collège ont collaboré.
Rappelez vous encore les répliques spirituelles, les situations
cocasses, les anecdotes bourrues, les charlestons endiablés et la
danse des marionnettes. Voyez vous Gilleke Claes danser et Bert
Bussers, entendez-vous encore le chœur des anciens belges qui
‘rossaient leurs matrones ‘ ? Carlo œuvrait cette fois
encore comme chef d’orchestre !
Il
y avait encore Louis
Horemans. Il s’occupa de la régie des ‘Oiseaux de Paradis ‘
avec enthousiasme et amour. N’oublions pas que tous les régisseurs
devaient être aidés par les machinistes. La réussite ou non d’une
pièce de théâtre dépend en grande partie de le construction des
décors (Mr Kennis) et des techniciens. Ils pouvaient vous prendre
aux tripes ou vous entraîner dans un faux pathos. Pas une fois m’est
arrivé de rire au dépens la ‘maison mortuaire’ dans la salle
des fêtes de Bukavu, et pour cela félicitons chaleureusement tous
ceux qui réalisèrent tours, salons, panoramas ou vignobles
bucoliques, à ceux qui faisaient hurler le vent, jaillir les
éclairs, éclater le tonnerre, pleuvoir à torrents et crépiter la
grêle sur les vitres, et faire pleuvoir des billets de banque,
tonner le canon, aboyer les mitraillettes qui vous prenaient au cœur.
Les Techniciens soyez bénis.
Et
… le grand, premier
technicien à la place d’honneur ‘Frère Brak’.
Le
réfectoire transformé
en théâtre rudimentaire ne dura pas longtemps. La salle des fêtes
fut construit et très vite transformée en véritable théâtre, qui
aux dires de certaines troupes théâtrales voyageant en Afrique, fut
le meilleur de tout le continent noir. Nous pensons ici avec grande
admiration à l’habilité et compétence de Frère Bracaval qui
fit de la salle des fêtes un théâtre pouvant exécuter les
meilleures représentations et parfaitement équipée. Etant
profane, avouons avec admiration : Seuls les Jésuites en sont
capables.
Pensons
également au
Frère Prouvé qui offrait son infatigable aide à chaque
représentation ainsi qu’ aux garçons qui aimaient pouvoir aider.
Je
crains de n’avoir
mentionné différents noms. Permettez moi d’exprimer mon
appréciation et de rendre hommage à toutes les ‘figures du milieu
flamand du collège’ et de me pardonner de ne pas avoir pu citer
tout le monde. Ceci deviendrait un livre et non un article si je
devais me souvenir de tout le monde.
Le
projet que j’ai
devant les yeux était : consacrer quelques pensées
reconnaissantes à tous ceux qui, flamands, ont permis que ces années
passées à Bukavu deviennent des souvenirs heureux, des années de
bonheur, d’une jeunesse enthousiaste dont nous puisions la force
de travailler ensemble et de se surpasser; ces années qui nous ont
rendus plus grands, parce que nous avons pu apprendre à rester
nous-mêmes dans notre langue et convictions, d’y apprendre à se
reconnaître dans les aspirations culturelles de notre peuple, autant
par l’enseignement que nous avons pu donner aux jeunes flamands
tout comme l’amour de l’art que nous avons créé ou ressenti au
collège, à la salle de théâtre avec ses agréables rideaux de
velours bruns couvrant les parois et la lumière plongeante tamisée sur
les rangs permettant de reconnaître quelques amis.
Bonsoir !
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