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Répertoire

Nos recteurs

Elèves ayant terminé leurs humanités au Collège, p. 92 - 93

Hommage au
R.P. VAN der STRAETEN


 Page 70 à 77, traduction en FR
48 - 60
12 années de la section néelandophone

La création et la croissance de la section néerlandophone remplit un épisode modeste mais néanmoins passionnant et haut en couleurs de l’histoire de notre collège. Sur les 150.000 Belges qui vivaient outre-mer à l ‘époque, il y avait 110.000 Flamands; au Congo leur nombre n’atteint pas les mêmes proportions mais formait un groupe tellement important que l’on ne doit pas s’étonner que depuis 1947 des voix s’élèvent partout pour assurer aux enfants flamands une formation correspondante à leur langue et culture pour satisfaire leurs souhaits légitimes.

Notre collège démarra une section néerlandophone, une première au Congo, grâce à l’impulsion de quelques personnes de Bukavu. En septembre 1948 s’ouvre la première classe préparatoire néerlandophone sous la houlette des Frères Maristes. En septembre 1950 démarre la première Sixième Latine, sur laquelle se basent les développements ultérieurs.

Pourquoi ces 12 années de la section néerlandophone, de 1948 à 1960, sont-elles, pour ceux qui en ont fait partie, si débordantes et riches de souvenirs ?

Est ce pour cette inoubliable beauté de la nature dans laquelle nos jeunes années ont pu s’épanouir ?

Tous les jours nous profitions de la vue du panorama des montagnes et collines enveloppées de brumes bleuâtres qui émergeaient, et du lac Kivu avec ses baies, presqu’îles, criques et îles paradisiaques pleines de rêve et mystérieuses.

De chaque barza du collège nous voyions les cinq presqu’îles de Bukavu comme des fins doigts d’une main serrant le miroir bleu du lac, où les ombres des nuages progressent au-dessus des flancs des collines, pendant qu’une brume bleue azur diaphane coiffe les vertes collines.

Sûrement ! Ceci n’est que malgré tout le cadre.

Nous sommes surtout reconnaissant du fait que notre modeste section offrit la possibilité d’épanouir notre esprit et caractère ou de les partager avec d’autres, et par ailleurs ainsi conçu de ne pas vivre dans un ghetto et de vibrer pleinement au rythme cardiaque du collège où les francophones formaient la grande majorité. Nous y vivions pleinement et devenions nous-mêmes. Surtout en humanités supérieures, nous prenions conscience de notre propre patrimoine artistique et littéraire très riche, mais nous l’abordions de préférence depuis la réalité africaine dans laquelle nous vivions. N’est ce pas ainsi que l’histoire du chef-d’œuvre de Multatuli, Saïdja et Adinda, est vécue à partir de notre propre situation africaine ?

N’était ce pas comme cela que le petit Johannes de van Eeden s’est mis à écrire une histoire au style le plus raffiné qui a paru dans Orientation : ‘Met Windekind door Kivu’ ? N’est ce pas parce que la poésie ‘Suid Afrikaans’ a éveillé une résonance particulière en nous ?

O Afrique ton nom gronde comme la mer !
Ta voix est comme le vent nocturne, profonde et sombre
Et en nous appelle, née du fond des siècles, une abeille
Vers les immensités où les étoiles immobiles scintillent

Aussi, hors des relations scolaires, nous trouvions au collège une atmosphère culturelle toujours plus enrichissante. Bukavu était considérée comme une ville provinciale culturellement pauvre, mais beaucoup s’étonnaient, à leur retour d’Europe, qu’ils disposaient de possibilités plus riches grâce au troupes théâtrales et artistes en tournée. Ceux-ci se produisant pratiquement toujours au collège, nous profitions d’un répertoire très large : représentations de pièces modernes et classiques par le Théâtre de l’Union Française, le Théâtre des Galeries, Le Vlaams Schouwstoneel, le K.N.S. etc. Nous écoutions les explorateurs comme Dr Bombard, Alain Deprelle, Gregory de l’expédition Himalaya, Raab du Kon-Tiki, nous écoutions Charles Trenet, Bobbejaan Schoepen, The Westminster Singers, les récitals de violon de Lola Bobesco et J. Genty nous transportaient, nous assistions aux lectures de poètes Flamands de leurs œuvres comme Pieter Buckinx, Marcel Coole, déclamations de Viala, Bernard du Nederlans Kamertoneel etc. La liste est longue.

Comme disait A. Helman ‘Les Souvenirs sont comme des oiseaux farouches qui volettent de toit en toit, qui franchissent à peine leurs faîtes et planent dans les airs’. Nombreux sont ceux qui s’abaissent aux farces étudiantes qu’ils commettaient ou à la vie quotidienne riche en activités, sottises et exploits. Quel père était-ce qui dans le feu de son exposé basculait dans la poubelle cul par dessus tète ? Quel sympathique préfet des études qui lors d’une inspection, à bout d’arguments, s’exclama ‘Mais Jan, ne me regarde pas comme un chien devant une vache malade!’ ? Lors des journées d’excursion nous pouvions pénétrer dans le pays montagneux enchanteur qui émergent autour des berges du lac : le Biëga, le Kahuzi, plus loin les volcans aux noms magiques comme Nyamlagira et Nyiragongo, la réserve naturelle Albert, ou vers le sud Kamaniola et le lac Tanganyika nous ont laissé pour la plupart des souvenirs inoubliables.

Shangugu, Ruzizi, La Michaudière offraient des alternatives plus modestes, néanmoins passionnantes, avec des jeux de nuit et marches pédestres. Devons-nous évoquer aussi les excitants jeux de St. Louis se terminant par l’immolation d’un dinosaure ou le bombardement du collège qui couronnaient beaucoup d’autres attractions ? Aussi les passionnantes courses de caisses-à-savon, la petite aviation, l’atelier où des voitures étaient bricolées, démontées puis remontées ? N’oublions pas non plus les ‘Fantastic Fancy Fair’ qui attiraient la population de la ville au collège à la plus grande joie des Troubadours (qui se rappelle encore ‘la marche des puces’ du P. Boon ?) et les Star Boys.

Le domaine où la section néerlandophone s’est illustrée à l’extérieur, avec un palmarès exceptionnel en souvenir, est le théâtre. Dès le début de sa création, le Vlaamse Vriendenkring proposa, au moins une quelquefois deux représentations annuelles une pièce de théâtre flamande.

Dans la mesure où la section néerlandophone se développa, le désir des garçons grandit de jouer eux-mêmes dans les pièces.

En 1953, un premier essai était effectué avec la section primaire qui sous la direction des Frères Maristes et les profs laïcs, bien actifs, avec ‘Muziek in het Woud’.

L’année suivante, lorsque en Humanités s’ouvrait la première troisième latine et avec la section primaire la section néerlandophone comptait plus de 80 élèves. Notre dynamique régisseur de théâtre Carlo Heyman s’attaqua à une pièce monumentale ambitieuse ‘Reinaert de Vos’. Plus de 40 acteurs et figurants représentaient notre moyenâgeux Reinart au devant de la scène, en un spectacle qui était non seulement une interprétation mais aussi un spectacle complet: son, lumière et couleurs, danses, pantomime et une musique particulièrement choisie. C’était le succès de l’année.

La réalisation de toutes les pièces théâtrales flamandes n’ont pu être réalisées que grâce à l’appui qui est venu de partout : les épouses des profs du collège, le V.V.K, les profs du pensionnat et de l’athénée ont volontiers fourni l’aide. L’année suivante, le même régisseur infatigable créa ‘Tijl Uilenspiegel’, qu’il écrivit d’ailleurs lui-même. Tout comme Reinaert, la pièce fournit une grande variété d’effets ‘son et lumière’. Tenant compte des figurants, la troupe s’élevait à pas moins de 81 rôles. La pièce comptait un prologue et 2 actes. Le collaborateur du ‘De Week’ écrivit à propos du prologue : Avec l’écran s’ouvrait un monde fourmillant de couleurs bigarrées : le chef d’œuvre de Breughel. La noce paysanne était représentée avec ses couleurs vives en êtres de chair: après une demi minute d’immobilité, la danse commence la joyeuse noce avec une douce valse lente.

Les porteurs de tartes au riz, les sonneurs de cornemuse, les serveurs de bière passent le long des gourmands paysans et paysannes, les béquilles s’entre-cognent pendant que, dans un coin, un petit bâfreur de tarte breughélien à casquette rouge se remplit la panse. Puis le garde y apporte le petit Tijl et une folle farandole fête la naissance de Tijl Uilenspiegel. Après ce tableau féerique qui remporte des applaudissements soutenus, le bouffon, le héraut et maître Breughel nous introduisent dans le 16é siècle tragique : Katelijne, la tante de Tijl, est brûlée comme sorcière sur le bûcher mais elle annonce Tijl comme le futur libérateur des Pays-Bas.

Ce n’est pas un moindre mérite de Reinaert et Tijl qui rencontre facilement l’appréciation du public francophone et qui a rapproché ce groupe de notre culture.

A partir de 1953, la section réalisa chaque année une ou plusieurs pièces de théâtre. Après Tijl ce sont les primaires qui manifesterons la plus grande activité avec ‘Maarten de Haas’ en 1956, ‘Le Moulin extraordinaire’ en 1957 et le ‘De scepter van Koning Bombazijn’ en 1959.

Les humanités portèrent encore en 1956 des poèmes de Gezelle au théâtre en danses et chant puis ‘De Opstand der Poppen’ en 1957, mais un fait nouveau se présenta lorsque les profs flamands montent eux-mêmes sur le podium: en 1957 ils présentent avec quelques élèves ‘Het Heilig Experiment’ de Hochwalder et l’année suivante, ‘Het Mes der Barmarmartigheid’ de St. Andres.

Toute cette activité n’empêcha pas la section d’ouvrir les yeux sur les réalités africaines dans lesquelles ils vivaient et de se rendre utile. Une activité régulière est mise sur pied pour soutenir les missions. Monsieur Lapage n’était pas seulement l’interprète principal dans Reinaert et Tijl, mais aussi un des animateurs du cercle Social qui fabriquait des croix pour le quartier de Bagira et plus tard érigera une chapelle et salle de cours au bord de la forêt primaire dans le massif du Biëga. De même, les scouts flamands ne furent pas oisifs et comme conseiller-assistant aidèrent les troupes de scouts congolais. Nombreux sont ceux qui en gardèrent de beaux souvenirs de ce service fructueux. Aussi quand en 1959 la troupe ‘Reinaert’ XXe Kivu fut constituée, cette serviabilité à l’Afrique resta un but essentiel.

Quand nous nous rappelons ces 12 années de la section néerlandophone, nous ne pouvons qu‘être heureux de sa riche existence. Elle réussit, dans un collège cosmopolite, à développer un caractère propre et malgré tout à s’adapter harmonieusement à la communauté où ils œuvraient. Ceux qui sont rentrés en Europe ou restés en Afrique sont toujours reconnaissants pour ces années où l’ humanisme chrétien leur fut apporté, que en sus leur fut apporté croissance et force de persuasion, pour qu’il puisse rester ancré dans leur propre peuple.


Le Collège et le Vlaamse Vrienden Kring

Comment elle grandit !

Eh oui, comme nous atterrissions en octobre 1950 à Bukavu, nous avions raté le début de l’épopée. Le V.V.K. et le cercle de théâtre existaient et fonctionnait déjà. Nous pensions atterrir dans un nouveau monde loin de la lutte et politique en Belgique. Très vite, nous constations que nous devions travailler avec nos ‘goedendag’ et devises de combat. Nous n’atterrissions pas chez les africains mais bien dans un collège de blancs, où la plupart des élèves parlaient français et tous les profs néerlandais (à une exception près).

Comment fut rallumé le feu sacré ? Vous entendiez les récriminations à plusieurs reprises : la haute administration de la colonie belge était et resterait francophone. Les blancs étrangers avaient tout intérêt à laisser leurs enfants éduqués dans une langue ‘universelle’. Les flamands qui ne voulaient pas voir leurs enfants ‘muselés’ se voyaient obligés de sacrifier leur vie de famille. Ils devaient renvoyer leurs épouses et enfants scolarisés en Belgique. Lorsqu’après 1945 plus de flamands arrivèrent au Congo et que la ‘Charte des droits de l’homme’ fut promulguée à San Francisco – Charte que le parlement belge a approuvée – il fut pensé et travaillé à une ‘Section Flamande’.

Ainsi naissait en 1948 au collège de Bukavu, où le père Meulenyzer était recteur, père Dewolf, le préfet des études, et le père Smets, préfet de la discipline, une classe regroupant quatre années et frère Pieter, Mariste, dirigeait 18 élèves.

A partir de l’année 1949, des lettres furent envoyées au Gouverneur Général, aux ministres, aux parlementaires (Van Cauwelaert – Struye visitaient Bukavu et guidés par CDD Gevaerts qui profita de l’occasion de leur parler de l’enseignement Flamand). Mais c’est en coulisses que le travail s’est révélé le plus fructueux. C’est grâce à Mr Welvaert, Directeur Général de l’Enseignement, qu’annuellement sera inscrite une nouvelle classe flamande au budget et donc libérer les crédits. Le Gouvernorat Général écrit qu’il ne peut pas donner de garanties concernant un cycle scolaire primaire complet, néanmoins il se créera chaque fois une classe supplémentaire jusqu’à ce que en 1950-51 démarra une 6é Latine.

En cette même année 1949, fut franchi un pas important sur le chemin d’une ‘Vie Flamande Consciente’.

Le 10 Novembre se tiendra, dans une des salles du collège, une réunion où il fut décidé de créer un Vlaamse Vriendenkring Bukavu à l’instar du V.V.K. d’Elisabethville (1943) et le V.V.K. Leo (1944). Assistèrent Mrs De Pooter (affaires économiques), De Potter(enseignant Athénée), Ral (id.),Pas (enseignant Collège), Van der Vorst (id.), Gielen (ingénieur), Bouchet (administrateur de territoire), Van Rompaey (service territorial), Gevaerts (CDD) et Smets(S.J.). Puis il fut demandé à Mr. D’Hooghe de faire partie de la direction.

Au 27 novembre 1949, la ‘bonne’ communauté se choisit une direction, sortit de l’urne Mr. Gevaerts comme premier président. Cela inaugura une période de combats et victoires, un temps qui finira par un exode général des blancs en des jours troubles d’arrestations arbitraires, de bastonnades et pire …. après la ‘Libération’.

Mais que de choses se sont passées entre-temps.

Au 27 décembre 1949 fut inaugurée la tradition de la fête de Noël du VVK.

Un groupe d’amateurs réalisera dans des conditions héroïques ‘La Bataille des Eperons d’Or’. Ce fut le début d’une série de représentations (deux par an) et le baptême du feu d’acteurs qui se grouperons en Cercle Théâtral.

Entre-temps arriva le Père Croonenberghs au collège pour prendre en charge le rectorat. Il comprit pleinement que notre désir de préserver notre propre identité devait être soutenu par deux piliers : un enseignement néerlandophone et une vie communautaire flamande intense. Chaque fois que le VVK faisait appel au collège, il était le premier à accepter chaque initiative ou de lutter ‘avec poings, dents et vitriol’ la direction (nous pensons naturellement à F. Gevaert) du V.V.K. pour nos droits.

Ainsi vinrent des nouvelles classes flamandes où les matières principales étaient données en néerlandais et les matières complémentaires en français et un cours renforcé en français qui préparait les garçons à passer sans examens lourds vers les trois régimes linguistiques de la patrie ou pour entamer l’université et d’y réussir. Nos garçons (et filles jusqu’à la 2é année) découvraient les trésors de la culture flamande, d’assumer leur propre identité et dignité, d’être des jeunes flamands fiers qui sans bafouillages s’expriment dans une autre langue européenne (comme prof d’anglais et allemand je n’écris pas seulement en français)

Nos enfants étaient ainsi préparés à exercer une bonne profession, parce que l’on exigeait de plus en plus un bilinguisme complet. C’est ainsi que pour la première fois que le but du V.V.K. était traduit en actes comme écrit dans la circulaire de la création du V.V.K. :’ Le V.V.K. ne veut pas devenir une caisse de résonance du carnet de doléances en métropole, mais s’efforce, en temps opportun, de guider les directions tant privées que publiques dans leurs devoirs envers la partie flamande de la population européenne’ signé Dr. D’Hooghe et Frans Gevaerts.

Allumons, nous flamands, un cierge de reconnaissance à ces combattants de la première heure.

En septembre 1950, le père Rollier S.J. prendra en charge la première 6é Latine et Mme Lesage aidera le Fr. Jozef en primaire. Quand le Ministre Dequae avec son chef de cabinet Claeys Bouaert (un ami de Mr Gevaerts) visitent Bukavu, ils s’entretiennent ave le père recteur et la direction du V.V.K.. Beaucoup de compréhension est montrée mais aucune promesse ou assurance est donnée qu’une section complète d’humanités néerlandophone sera créée.

N’oublions pas que nous, flamands du Congo, n’avions pas le droit de vote en Belgiquex, que nous ne pouvions pas agir sur le plan politique, que nous devions vivre de ‘promettre et oublier’ des politiciens belges de passage.

Une Constitution Coloniale (Koloniale Keure) de 1908 existait mais les agents administratifs du Congo n’avaient pas de contrôle sur leurs propres intérêts dans la colonie en ce qui concerne l’éducation scolaire de leurs propres enfants. Ils ne pouvaient pas changer eux-mêmes leur situation existante, comme le R.P. Van Reeth (Davidsfonds) le conseillait dans sa brochure : ‘Kongo : Rijksgebied ook voor Vlaanderen’ (Congo : territoire d’état aussi pour la Flandre). Mais bon, avec du temps et conseils devant ou dans les coulisses, nous progressions.

La première 5é Latine démarra en 1951 avec Frans Holemans comme titulaire.

Le ministre Dequae avec son chef de cabinet Mr Spitaels arrivent au Congo en 1952. Mr Gevaerts les rencontrent à Kasongo et les réunit à nouveau avec le R.P. Recteur et la direction du V.V.K. Ils promirent là qu’une section complète d’humanités flamande sera constituée au Collège. Il en sortira également une motion au ministre de la création d’une commission linguistique au Congo.

La première 4é Latine démarre avec Mr Carlo Heyman comme titulaire en septembre 1952. (Quel gain pour la vie théâtrale !)

En décembre arrive une copie de la motion (cf. supra) au Conseil Economique de Flandre, vers l’Union Economique Flamande (e.a). Notre proposition est acceptée.

En 1953, le Ministre Dries Dequae donne l’assurance écrite que les enfants qui commencent en néerlandais pourront aussi terminer leurs études en néerlandais. Donc : Enseignement Froebel, primaire et secondaire en néerlandais à Bukavu.


Mr Cornelis est nommé Vice Gouverneur General. Au collège surviennent de grands changements.

Notre bâtisseur-organisateur, le R.P. Croonenberghs part vers le collège Saint Ignace à Anvers (il y a à construire .. et comment !) et sera remplacé en 1954 par le R.P. Schurmans. Nous voyons avec des yeux humides le R.P. Smets nous quitter vers Kisantu.

En septembre 1953, une 3e latine verra le jour avec le père Butaye. Le père Jansen deviendra titulaire de la poésie en septembre 54. La première rhétorique flamande débute avec le père Collin. En 56, le père Van der Meersch lui succédera comme professeur titulaire de rhétorique et en 56 le R.P. Jansen reprendra cette lourde tâche. La suite sera décrite par le père Smets qui est plus informé.

La lutte du V.V.K. pour un enseignement flamand au Congo n’est cependant pas encore terminée. Ainsi est créée le 8 mai 1957 une commission qui a comme but : la rédaction d’un décret traitant le règlement linguistique pour les domaines administratifs et juridiques. Une lettre ouverte de Bukavu est envoyée à Mr Eyskens, premier ministre et ministre des colonies. Cette lettre est reprise par plusieurs journaux en Belgique. Le V.V.K. demande après 50 ans la révision de la Constitution Coloniale de 1908, le respect des droits de l’homme (Charte de San Francisco), e.a . l’assurance de la continuité de l’enseignement néerlandais. Le R.P. Croonenberghs redevient le recteur en août 1958 ; le R.P. Smets nous est revenu.

En ce même mois paraît le premier numéro de ‘Schakels’ (Relais) qui nous lie plus solidement à une chaîne de solidarité flamande. Nous devons un sincère mot de remerciement pour son dévouement à Carlo Ingelbrecht qui assura la parution régulière de cette publication.

Une réponse du ministre Van Hemelryck à la lettre adressée au ministre Eyskens, qui lui céda le ministère des colonies, parvient au V.V.K. le 27 septembre. Il y écrit : L’extension de l’enseignement néerlandophone sera toujours l’objet de mon attention particulière.

Le ministre Van Hemelryck reçoit Mrs Heyman (entre-temps élu président), De Roy et Gevaerts le 26 janvier 1959. Lui est transmis un mémorandum avec les exigences du V.V.K.. Le ministre promit fermement que la création d’humanités bilingues à l’Institut de la Sainte Famille recevra une solution favorable. Après maintes discussions et prises de bec jusqu’aux petites heures du matin sortira un accord de principe qu’en 1959 après consultations des différents V.V.K et le G.G. Cornelis sur la création des humanités pour filles et l’autorisation de commencer tout de suite. La première 6e moderne pour filles commence en septembre 1959 sur la colline près du ‘Belge’.

Bien que ceci n’a rien à voir avec le titre ‘V.V.K. et le collège’, je voudrais souligner les mots de F. Gevaerts lorsqu’il parle de l’institut de la Sainte Famille parce dès maintenant il faudra collaborer étroitement, Collège et Sainte Famille, pour fournir à nos enfants une éducation valable. Ecrit F. Govaerts : « Il faut signaler que depuis 1947, les différentes Autorités de l’Institut étaient accommodantes et collaboraient, via la maison mère à Bruxelles, à soutenir la flamandisation. Si cela ne se produisit pas plus tôt (1959), ce n’était pas à reprocher aux représentantes à Bukavu. J’honore spécialement la Révérende Mère Mathilde Lamberichts, qui depuis 1948 assumait les différentes fonctions et collaborait toujours avec les Autorités. »

A la table ronde sur l’enseignement néerlandophone au Congo du 14-16 octobre 1959, il est accepté par les trois représentants des flamands (F. Gevaerts, Dr Karel Seghers et prof. Willy De Pauw), entr’autres pour des raisons budgétaires, qu’à Bukavu les humanités du collège s’ouvrirait aux filles, aussi bien celles de la Sainte Famille que celles de l’athénée. (Auparavant, Mr F. Gevaerts consulta Mgr. Van Steene, Mgr. Cleire et la Révérende Mère de la Sainte Famille)

Il est demandé par les représentants que les coûts de l’enseignement flamand comme francophone serait portés par le ministère belge de l’enseignement. Les frais de l’enseignement Frœbélien seraient totalement à charge des parents.

Ainsi commença l’année 1960 du ‘Crépuscule des Dieux’. Pourtant n’étions nous, flamands, pas assez Germains. Il n’était pas question de défaitisme ou pressentiment de naufrage. Des lettres furent toujours envoyées aux ministres pour ne pas oublier les promesses concernant l’enseignement néerlandophone. Le ministre Scheven, en présence du G.G. Cornelis, donne l’assurance que l’enseignement flamand sera garanti dans tous les cas, éventuellement dans le cadre de l’assistance technique au Congo fournie par la Belgique.

Une lettre est écrite au premier ministre avec copie à tous les ministres et parlementaires ainsi qu’à toutes les associations économiques en Flandre, qui traite de l’organisation de la présence belge au Congo après le 30 juin 1960.(16 avril 1960).

Ces points de vue sont repris le 16 juin dans un mémorandum (le quantième ?). Sur le contenu, il vaut mieux en parler ailleurs parce que le 30 juin arriva et du même coup le Carnaval des Dieux. A Bukavu, Le R.P. Croonenberghs et Mr Gevaerts recommencent à lutter (contre des puissances occultes cette fois) comme il y a 13 ans.

Ainsi il fut décidé bien avant septembre 1960 que :

1) Que le V.V.K. organisera une école primaire privée.

2) Que le collège louera deux locaux à la V.V.K.

3) Que le V.V.K. engagera et paiera deux enseignantes

4) Que les cours reprendront en janvier 1961

Le père Croonenberghs écrira sûrement le reste de l’histoire de la lutte flamande et du collège.

Une circulaire fut envoyée vers les parents concernés de Bukavu et environs, le 17 novembre 1960.

Fin décembre, l’école primaire comptait déjà 41 enfants inscrits en primaire.

Arriva le 1e janvier 1961. C’était un roman d’horreur à part.

Que se passe t’il au collège en dehors de l’enseignement ? Ceci pourrait représenter un gros chapitre si traité in extenso. Mais d’autres avant moi, et mieux que moi, l’ont fait. Je renvoie donc aux fervents amateurs de théâtre au numéro anniversaire de Schakels page 53 et suivantes. Ils pourront y savourer les souvenirs vénérés des réussites théâtrales où la salle complète du collège pouvait aussi bien frémir, pleurer d’émotion, secouer les sièges de rire.

Quel professeur du collège n’interprétait aucun rôle ou souffla les acteurs leur rôle depuis la fosse ou encore aidait à maquiller ou confectionner des costumes. Ne parlons pas de la toujours disponibilité de la famille musicale Van der Vorst. Combien de pères ont vu leur nom mentionné dans les comptes-rendus et sur les programmes du V.V.K. J’y ai trouvé les conférence du P. Smets (’49), P. Jansen (’50, ’58), P. Bertrand (’53), P. Butaye (’55), P. De Schaepdrijver, P. Van der Meersch. Et aussi les profs : Pas, Van der Vorst, Zaman, Geerts, Holemans, Heyman, Westhovens, Snijders, Bussers (et tante Lena !), Lapage, Moons, Van de Voorde (+), Slaets et tous les profs et ‘professeures’ qui n’en n’ont pas moins démérité à qui les enfants tenaient ‘cœur et âme’ après 5 ans de séparation …. ce qui veut dire beaucoup dans une vie d’enfant. Il y avait aussi le groupe Reinaert qui rassemblait une cinquantaine de garçons en un mouvement scout, qui était certainement à sa place dans un continent où ils étaient nés.

Sous la direction toujours inspirée de Carlo Heyman et le P. Vivex, ils apprenaient à construire leur propre local, apprenaient à chanter, jouer au théâtre et tutti quanti.

Ainsi, il y avait la chorale qui n’enchantaient pas que les services religieux mais agrémentaient aussi les fêtes du V.V.K. Citons R.P. Goossens (l’arrangeur compétent de nos mélodies préférées), R.P. Van den Abbeele et Carlo Heyman comme chefs de chorale. Il y avait le théâtre de jeunesse régie par Mme Geussens et Frère Eugeen (Mariste) et Mr Buytaert où les jeunes néerlandophones pouvaient pratiquer leur engouement splendide pour le théâtre. Il y avait le club photographique que mena Carlo Heyman encore et ses magnifiques expositions tenues au collège. Les soirées cinéma organisées au collège où nous voyions les Bambuti construire leurs huttes, le Nyamlagira crachant le feu ou encore les belles hébraïques danser en l’honneur de Jahvé (artistiquement montés par Erik Weymeersch et le père De Vlo). Notons encore la bibliothèque qui ouvrait tous les dimanches de 8 à 12 où nous pouvions feuilleter des périodiques et livres flamands et, aidé par Frère Stan Joosen empressé, partions avec une cueillette de passionnante littérature, assez pour meubler le longues soirées avec les sympathiques ou horribles gens de notre mère patrie ou d’ailleurs.

AND LAST BUT NOT LEAST, il y avait le théâtre.

Je le l’ai déjà dit : qui souhaiterait revivre tous ses bonheurs consultera l’article de Gil Claes, la secrétaire permanente, qui à partir des données et noms, loue tous les régisseurs et acteurs dans le numéro jubilaire de Schakels. Mais je ne peux pas passer sous silence certaine soirées sous le pseudo ‘Soirée Théâtrale’ . Je vois encore vivant devant mes yeux le thriller : Dix petits nègres (A. Christie) où nous tremblions agréablement sous la régie de R. Watteeuw …. Un professionnel compétent et un talentueux acteur qui ne rechignait pas aux difficultés et acceptait les plus gros rôles et la régie (16 fois, je les ai comptés). A chaque fois, nous découvrions un autre Watteeuw, quand il jouait un rôle. Lorsque en 1954 apparut un ancien co-étudiant qui venait remplir nos rangs, nous ignorions comment il allait apporter à nos vies couleurs et musique.

Carlo Heyman devint prof mais se limiter à enseigner et lire des livres n’était pas pour lui. Quand il prenait en charge la régie, il utilisa à bon escient toutes les formes artistiques. Il était homme à partager tout son savoir, sa sensibilité et goûts aux élèves, à ses jeunes et acteurs et les laisser jouer texte, chant et danse, rythme et ton. Lui, classique, ne craignait pas d’adapter pour les jeunes la versification de l’épopée de Reinaert entr’autres. Cela devenait une fête colorée.

Le collège démontra par là que la section flamande avait toutes les raisons d’exister. Les critiques de théâtre s’efforçaient d’écrire sur la valeur d’un théâtre pur et de masse, ce fut pour nous une véritable révélation lorsque Carlo Heyman apparaissait sur la scène à Bukavu. Il démontra, notre Heyman de Bukavu, que nous ne réagissions pas comme des  «incultes hommes de la brousse », nous étions enthousiastes de ce qu’il nous apporta. Son nom fut cité maintes fois aux programmes télé., et reçut aussi bonne presse. Il n’hésita pas, à côté de la régie, d’interpréter des rôles très lourds assisté, avec brio, par Guy Lapage.

Je voudrais encore signaler avant de vous laisser plonger dans vos propres préoccupations: La soirée de cabaret ‘De Charmante Negen’ dans lequel des auteurs et exécutants du collège ont collaboré. Rappelez vous encore les répliques spirituelles, les situations cocasses, les anecdotes bourrues, les charlestons endiablés et la danse des marionnettes. Voyez vous Gilleke Claes danser et Bert Bussers, entendez-vous encore le chœur des anciens belges qui ‘rossaient leurs matrones ‘ ? Carlo œuvrait cette fois encore comme chef d’orchestre !

Il y avait encore Louis Horemans. Il s’occupa de la régie des ‘Oiseaux de Paradis ‘ avec enthousiasme et amour. N’oublions pas que tous les régisseurs devaient être aidés par les machinistes. La réussite ou non d’une pièce de théâtre dépend en grande partie de le construction des décors (Mr Kennis) et des techniciens. Ils pouvaient vous prendre aux tripes ou vous entraîner dans un faux pathos. Pas une fois m’est arrivé de rire au dépens la ‘maison mortuaire’ dans la salle des fêtes de Bukavu, et pour cela félicitons chaleureusement tous ceux qui réalisèrent tours, salons, panoramas ou vignobles bucoliques, à ceux qui faisaient hurler le vent, jaillir les éclairs, éclater le tonnerre, pleuvoir à torrents et crépiter la grêle sur les vitres, et faire pleuvoir des billets de banque, tonner le canon, aboyer les mitraillettes qui vous prenaient au cœur. Les Techniciens soyez bénis.

Et … le grand, premier technicien à la place d’honneur ‘Frère Brak’.

Le réfectoire transformé en théâtre rudimentaire ne dura pas longtemps. La salle des fêtes fut construit et très vite transformée en véritable théâtre, qui aux dires de certaines troupes théâtrales voyageant en Afrique, fut le meilleur de tout le continent noir. Nous pensons ici avec grande admiration à l’habilité et compétence de Frère Bracaval qui fit de la salle des fêtes un théâtre pouvant exécuter les meilleures représentations et parfaitement équipée. Etant profane, avouons avec admiration : Seuls les Jésuites en sont capables.

Pensons également au Frère Prouvé qui offrait son infatigable aide à chaque représentation ainsi qu’ aux garçons qui aimaient pouvoir aider.

Je crains de n’avoir mentionné différents noms. Permettez moi d’exprimer mon appréciation et de rendre hommage à toutes les ‘figures du milieu flamand du collège’ et de me pardonner de ne pas avoir pu citer tout le monde. Ceci deviendrait un livre et non un article si je devais me souvenir de tout le monde.


Le projet que j’ai devant les yeux était : consacrer quelques pensées reconnaissantes à tous ceux qui, flamands, ont permis que ces années passées à Bukavu deviennent des souvenirs heureux, des années de bonheur, d’une jeunesse enthousiaste dont nous puisions la force de travailler ensemble et de se surpasser; ces années qui nous ont rendus plus grands, parce que nous avons pu apprendre à rester nous-mêmes dans notre langue et convictions, d’y apprendre à se reconnaître dans les aspirations culturelles de notre peuple, autant par l’enseignement que nous avons pu donner aux jeunes flamands tout comme l’amour de l’art que nous avons créé ou ressenti au collège, à la salle de théâtre avec ses agréables rideaux de velours bruns couvrant les parois et la lumière plongeante tamisée sur les rangs permettant de reconnaître quelques amis.

Bonsoir !

x N.B. Non seulement les flamands mais tous les belges au Congo (R.B.)